Avec un salaire de 2,05 euros de l’heure, une durée légale de travail de 45 heures hebdomadaires et une main d’oeuvre très qualifiée, la Turquie attire de nombreux industriels. Plus de 15 constructeurs automobiles et mille équipementiers sont installés dans le pays. Autre avantage pour ces patrons de multinationales, les droits syndicaux sont limités notamment par l’implantation d’un seul syndicat par site. Les événements qui se sont déroulés à l’usine Renault de Bursa en novembre dernier n’est qu’un exemple parmi tant d’autre de la pression patronale. Ce site de production de la Clio IV employant plus de 6 000 ouvriers a été bloqué pendant deux jours. Les salariés (plus de 1 500 grévistes) protestaient contre des augmentations de salaires insuffisantes et la mainmise du syndicat pro-patronal qui les avait négociées. Ce dernier s’opposant à la grève, le mouvement fut déclaré illégal, justifiant l’intervention de la police sur demande de la direction de l’usine. 30 salariés seront licenciés.
Chaque semaine de nouveaux témoignages de salariés licenciés pour avoir revendiqué sont recueillis par le syndicat Birleşik. Phénomène qui ne cesse de s’amplifi er au fil des ans. Non seulement les salariés dénonçant les conditions de travail et salariales sont sanctionnés par la direction, mais les « syndicats » maison se chargent, en amont, d’exercer des pressions pour étouffer toutes contestations. Outre les pressions morales ou la corruption, ces « syndicats » n’hésitent pas à employer la force pour casser les mouvements. Ainsi, lors de la grève des Renault en novembre, le syndicat pro-patronat de Fiat est descendu sur le site pour provoquer les grévistes espérant que l’occupation dégénère. Même une fois que les salariés frondeurs sont licenciés, l’influence des «syndicats » jaunes bloquent la recherche d’emploi dans les autres entreprises.
Mais le syndicat progressiste Birleşik ne baisse pas les bras pour autant. Le syndicat travaille son implantation dans les sites malgré la présence de ces « syndicats » plus que complaisant avec les directions. Ainsi, il y a deux ans, Birleşik a tenté de s’implanter chez Bosch où 4 000 signatures ont été recueillies sur 6 000 salariés demandant l’établissement d’un nouveau syndicat contre celui pro-patronal. Malgré les pressions, la procédure court toujours. Ces avancées sont possibles grâce à une activité clandestine du syndicat sur les sites depuis plusieurs années. Comme chez Arobus, fabricant de sellerie pour les minibus Renault, où malheureusement, la direction après avoir découvert l’activité syndicale secrète, a licencié quelques salariés pour faire taire toute velléité de contestation.
Outre le travail de terrain, l’organisation syndicale cherche des soutiens des autres syndicats européens, où sont implantées les multinationales. « On demande plus qu’un soutien, nous avons besoin que vous interveniez auprès des employeurs» intervient un salarié de chez Bosch. Et d’insister « Il ne faudrait pas que les travailleurs européens s’endorment sur leurs acquis. Soutenir l’implantation de syndicats turcs portant des revendications sociales fortes dont l’amélioration des conditions de travail, est un argument supplémentaire pour contrer les attaques sociales en France. Nous sommes dans le même bateau ».
Les camarades de la CGT présents ont eux aussi dénoncé la mise en concurrence des salariés à travers le monde, argument imposé notamment dans le cadre des négociations des accords compétitivité. « Nous nous sommes déplacés à Bursa, car nous avons besoin de témoignages pour savoir qu’elle est la véritable situation ici car Carlos Ghosn nous assure que tout va bien en Turquie » a expliqué Xavier Raynaud, le Délégué Central Adjoint de la CGT Renault. Lors d’une conférence de presse, la délégation française s’est engagée à intervenir auprès de la direction française de Renault pour exiger la réintégration des 11 camarades (sur les 30 licenciés) qui ont gagné l’annulation de leur licenciement au tribunal. « Ce serait une première, car ici, même quand les salariés gagnent devant la justice, les patrons préfèrent payer plutôt que de les reprendre » a souligné, plein d’espoir, le responsable local de Birleşik metal à Bursa.
Écrit par : Marie Vergnol, Conseillère Fédérale en Communication