Après le modèle allemand, les partisans de la réforme El Khomri vantent le «modèle italien». Mais cet exemple est-il pertinent ?

Comparaison n’est pas raison. Les défenseurs du projet de loi de casse du code du travail, dite loi El Khomri, devraient suivre ce vieil adage. Car si de nombreux voisins européens se sont attaqués depuis la crise de 2008 à la réforme de leur marché du travail, les effets bénéfiques pour l’emploi restent encore à prouver. Même le quotidien le Parisien l’a noté « au premier abord, les chiffres semblent avoir donné raison aux voisins : la croissance est repartie, le chômage a reculé. Mais tout n’est pas rose. En Espagne, les emplois créés sont majoritairement précaires. En Italie, le chômage des jeunes ne recule pas ».

Le projet El Khomri de réforme du code du travail en France s’inscrit dans le sillon de mesures mises en
œuvre par nos voisins, notamment dans des pays du sud de l’Europe où la crise est plus forte. Ainsi, les défenseurs s’y réfèrent et notamment avec l’exemple de l’Italie. Il y a tout juste un an, le « Jobs Act » transalpin entrait en vigueur introduisant un « nouveau CDI » avec des conditions moins favorables aux salariés qu’auparavant. Le bilan un an après ? Selon les statistiques officielles publiées en janvier dernier, le pays a vu le nombre de personnes ayant un emploi progresser en un an de 299 000, soit une hausse de 1,3 %. Mais cette reprise de l’emploi n’est sans doute pas sans rapport avec un faible retour à la croissance de l’économie italienne.

Mais la plus grosse arnaque pour vanter le projet français est d’oublier de parler des subventions accordées aux nouveaux CDI pour doper la croissance de l’emploi transalpin. Un employeur touche ainsi jusqu’à 8060 euros par contrat et par an pendant trois ans. Cela représente une baisse de 60 % des cotisations patronales. C’est donc surtout ces exonérations qui ont joué.

D’ailleurs, une étude de la Banque d’Italie a montré, récemment, que ces subventions étaient la première raison de la baisse du chômage en Italie, bien davantage que les réformes du Jobs Act…

L’objectif de cette réforme italienne comme le projet El Khomri est donc bien d’assouplir le marché du travail en tirant vers le bas les droits des salariés. De l’aveu d’un économiste « zone euro » chez Natixis publié sur le site Capital.fr le 15 mars dernier, « il faudra du temps pour assouplir le marché du travail et faire disparaître les inégalités entre salariés : il reste 14,5 millions de CDI d’ancienne génération [en Italie] ! ». Il s’agit donc bien de mettre le droit du travail au service du marché, de précariser l’emploi pour rentabiliser davantage la bourse…

Les salariés l’ont bien compris au vu du succès de la grande consultation syndicale pour l’abrogation. « Celle-ci est très populaire. C’est pourquoi nous sommes très attentifs à la mobilisation française pour le retrait du projet de loi. Partout sur le continent, les lois votées augmentent la précarité au plus grand bonheur des grandes entreprises qui surfent sur le dumping social » souligne Valentina Orazzini, responsable des questions internationales du syndicat italien FIOM CGIL.

Au-delà de l’Italie, l’ensemble des pays européens qui se sont engagés dans la casse des droits des salariés a davantage profité au grand patronat qu’au marché du travail. Ainsi, Alexis Tsipras, le chef de gouvernement grec, a critiqué la réforme du Code du travail portée par le gouvernement de François Hollande : « A chaque fois qu’on a instauré ce genre de politique de flexibilité, les résultats ont été catastrophiques. En aucun cas, cela ne renforce la compétitivité de nos économies (…) sinon le Bangladesh aurait la meilleure économie du monde. Cette logique a été imposée en Grèce (…) et cela a ramené au Moyen-Age les relations du travail. Tous ceux qui veulent imposer ce genre de réforme doivent réfléchir et peut être étudier le cas grec ». Aussi, tout comme la CGT métallurgie, la FIOM-CGIL se bat pour une véritable politique de relance industrielle partout en Europe.