« Dans 10 ans, notre chiffre d’affaires augmentera de 3% ». Tous ont déjà entendu une telle déclaration de la direction. Mais combien d’entre vous connaissent les calculs qui ont permis de réaliser cette prédiction ? Ce genre de prévisions n’est pas neutre : elles guident la stratégie de l’entreprise, en justifiant par exemple une réorganisation de l’activité. Mais sans connaître la méthode, cette prévision ne vaut rien.
La prévision en économie
Armés de techniques mathématiques et statistiques complexes, l’économiste peut prétendre expliquer le futur. Mais cet exercice est discutable, dans le résultat mais surtout dans la méthode qui permet d’y parvenir. En observant le passé, l’économiste en déduit des relations entre les différentes variables. S’il observe que les ménages consomment 75 % de leur revenu, alors il peut raisonnablement supposer qu’une augmentation d’un euro du revenu induira en moyenne 75 centimes de consommation. En déduisant à partir de ces observations des « comportements économiques moyens », l’économiste construit des « modèles », c’est-à-dire une série d’équation de ce type. Ces modèles sont toujours incomplets : le comportement individuel n’est pas le comportement moyen, les techniques mathématiques ne permettent pas de mettre ensemble n’importe quoi. A partir de ces modèles, l’économiste peut ainsi « faire tourner ». Il peut inventer des scénarios, du genre « il y aura une baisse des revenus », et observer quel va être l’impact de ce scénario sur des variables comme le chiffre d’affaires, le PIB…
La prévision n’est jamais exacte
Mais un économiste va s’intéresser à deux éléments avant de considérer sa prédiction comme valide. Premièrement, il s’assure de la significativité des résultats. Etant donné la nature nécessairement incomplète des modèles, il existe des marges d’erreurs. Un économiste conclura ses prévisions par : « j’ai 95% de chances de ne pas me tromper en disant que… ». Deuxièmement, la prédiction dépend du modèle qui repose sur des hypothèses par nature discutables. L’économiste conclura ses prédictions par « si on suppose que… Alors… ».
Ces deux points expliquent l’ensemble des débats en science économique. Les hypothèses sont elles convenables ? Existe-t-il un phénomène important que l’économiste n’ait pas pris en compte ? Le modèle est-il « mathématiquement » correcte ?
Bref, pour qu’une prévision puisse être valable, il faut en connaître la méthode et la significativité des résultats. Chaque jour, des centaines d’articles scientifiques proposent des modèles, se contredisent entre eux, créant de vives controverses. Et croyez-moi sur parole : les débats scientifiques sont enflammés dès qu’un chercheur présente son modèle et aucun chercheur en économie ne prétendra être capable de prédire l’avenir avec certitude.
Un exemple pour comprendre l’importance de dévoiler les méthodes. Une entreprise déclare annoncer un profit de X€ en 2030. Pour parvenir à ce résultat, il faut connaître l’évolution : des prix, des produits, de la demande, des concurrents, des salaires, des impôts, des taux d’intérêts, des goûts des consommateurs, des techniques de production… Autant d’évolution qui elles mêmes appellent encore à connaître de nombreuses relations, parfois difficilement mathématisables !
On comprend alors qu’il est impossible de prédire l’avenir de manière chiffrée, sans que cette prédiction ne puisse être discutée. Alors, le droit à l’information, c’est une information sur la méthode de prévision. Tant que la direction n’aura pas dévoilé son modèle, vous êtes en droit –moralement – de refuser toute conséquence induite par les prédictions. Rappelez-vous toujours d’une chose : un argument avancé sans preuve peut être rejeté sans preuve !