Note éco | Covid-19 | 24/04/2020

L’objectif de cette note est d’expliquer aux syndicats quels sont les indicateurs comptables et financiers qui méritent d’être étudiés par des cabinets d’experts dans des situations de crise de court-terme (fermeture, ralentissement d’activité) afin d’apporter un regard sur les capacités de l’entreprise à faire face à un choc. Seul un cabinet d’experts est en effet capable de mesurer la santé économique d’une entreprise, car chaque indicateur doit être interprété selon les situations propres à chaque entreprise. Il faut être en revanche capable de réclamer ces indicateurs aux directions des entreprises afin de prendre connaissance du « tableau de bord » du suivi de la crise et avoir une idée de l’impact de la crise sur ces différents indicateurs. De manière générale, un indicateur qui varie grandement d’une période à l’autre décrit un symptôme de choc.

La trésorerie (disponibilités)

Il s’agit du « compte courant » de l’entreprise, capable ainsi d’effectuer toutes les dépenses courantes (salaires, fournisseurs, factures diverses…). Une trésorerie plus forte que les dépenses – recettes prévisionnelles est gage de bonne santé. Mais une trésorerie qui s’amenuise est comme un compte courant qui diminue : sans rentrée d’argent certaine à l’avenir, garder de la trésorerie est aussi un moyen d’éviter les complications à venir. Une question d’équilibre et de prévision !

Le besoin en fonds de roulement

Le fonds de roulement, c’est la quantité de monnaie nécessaire à l’entreprise pour réaliser ses opérations de court terme.

BFR = actif circulant (stocks + créances clients) – passif circulant (dettes fournisseurs + dettes fiscales + dettes sociales + autres dettes non financières).

On distingue dans le besoin en fonds de roulement le besoin en fonds de roulement d’exploitation, qui reprend les mêmes éléments que précédemment mais en ne tenant compte que des activités liées à l’exploitation (production), et le besoin en fonds de roulement hors exploitation, qui concerne les activités financières.

Ce sont donc les différents indicateurs à l’intérieur de ce BFR que l’on peut analyser à travers différents ratios. L’interprétation du BFR est un exercice très difficile, il faut impérativement s’en remettre aux experts comptables pour identifier sa signification.

Les délais de paiements et stocks

Il s’agit de comparer d’un côté ce que l’entreprise doit à ses fournisseurs et ce que l’entreprise recevra de ses clients, et sa capacité à recouvrer ses stocks. Il existe un bon nombre d’indicateurs pour juger de la bonne santé de l’entreprise par rapport à ces trois délais :

Côté client : Ratio de rotation du crédit clients = (Créances clients x 360) / Ventes

  • Ce chiffre exprime le nombre de « jours de ventes » que les créances des clients font « perdre ». Exemple : si un client doit 1000€ à l’entreprise, qui vend sur l’année 100 000€, le ratio est de 3.6 jours. Les clients mettent environ 3.6 jours pour payer ses créances, ou vu autrement, si le client ne paye pas ses créances, cela fait perdre 3.6 jours de ventes. Plus ce ratio est élevé, plus l’entreprise est dépendante temporellement du paiement de ses clients.

Côté fournisseur : Ratio de rotation du crédit fournisseurs = (Dettes fournisseurs x 360) x Achats

  • De manière symétrique, ce ratio exprime le nombre de jours d’achat qui passent avant le paiement de vos fournisseurs. Plus il est faible, plus l’entreprise paye vite (ce qui est une bonne chose pour les fournisseurs), au risque de puiser rapidement dans la trésorerie (si le ratio client est élevé par exemple). Plus il est fort, plus l’entreprise ralentit ses paiements, ce qui est peut-être révélateur d’une difficulté de trésorerie.

Les stocks : Ratio de rotation des stocks = Chiffre d’affaires / Stock moyen (ou coût d’achat des marchandises/ stock moyen) il peut se décliner pour les stocks d’intrant ou les stocks de marchandises…

  • Il s’agit ici d’estimer pendant la période le nombre de fois où le stock a été renouvelé. Si au cours de la période, l’entreprise a réalisé 100 000€ de chiffre d’affaires, pour un stock moyen de 20 000€, le ratio est de 5, ce qui veut dire que l’entreprise a renouvelé 5 fois ses stocks sur la période. Plus ce chiffre est élevé, plus l’entreprise a « bien géré » ses stocks. Plus il est bas, plus l’entreprise gère mal ses stocks (difficulté d’écouler la production, ou sur-approvisionnement). On peut aussi l’exprimer en jours, avec la même interprétation (combien de jours d’approvisionnement il faut pour reconstituer le stock. Si ce nombre est élevé, cela veut dire que l’entreprise a beaucoup de stock par rapport à ses achats).

Les soldes intermédiaires

Ces soldes n’ont d’intérêt que pour les entreprises qui continuent leurs activités, car ils se basent tous sur le chiffre d’affaires, qui correspond à la somme des recettes issues des ventes. On calcule les différents soldes en retranchant et ajoutant successivement des opérations, d’abord de production, puis financières et enfin exceptionnels afin de former le résultat net. Le problème, c’est qu’ils sont souvent calculés à la fin d’un exercice fiscal et financier (trimestre, année).

Sans rentrer dans les détails du calcul[1], la valeur ajoutée correspond aux bénéfices de l’entreprises après paiement des fournisseurs, il reste donc à payer d’abord les salariés, ce qui donne l’excédent brut d’exploitation, puis de manière élargie le résultat d’exploitation. Ces trois soldes permettent d’avoir une idée de la santé « productive » d’une entreprise. Les autres résultats concernent le résultat financier, avant impôt et le résultat exceptionnels, qui sont tout aussi important pour connaître la santé d’une entreprise, formant ainsi le résultat net (le profit final de l’entreprise). On peut ensuite calculer la capacité d’autofinancement qui permet de connaître la capacité d’une entreprise à réinvestir.

Les ratios financiers

Il existe un bon nombre de ratio financiers dont une liste assez exhaustive se trouve ici : https://www.compta-facile.com/ratios-financiers-calculs-et-explications/

Dans la période exceptionnelle due au ralentissement de l’activité, il est impossible d’analyser tous ces ratios et de les commenter, tant chaque entreprise peut faire face à des problèmes financiers très différents. Ces ratios sont d’ailleurs normalement plutôt caractéristiques des « régimes de croisière » des entreprises, et n’ont peu d’interprétation pour les problèmes de court terme.

Malgré cela, on peut avoir une vue un peu plus complète sur l’état de santé de l’entreprise en prenant quelques ratios.

Un des ratios les plus pertinents est sans doute le ratio de liquidité générale = actif circulant / passif circulant.

Il s’agit de calculer ici la capacité qu’a une entreprise à rembourser sa dette de court-terme par ses actifs de court terme (créances clients, stocks). Si ce ratio est supérieur à 1, l’entreprise a assez de valeur de court terme pour payer ses emprunts de court-terme (en écoulant les stocks ou en exigeant le paiement de ses clients, voir ratios précédent). Sinon, cela veut dire que l’entreprise n’a pas les moyens à court terme pour rembourser ses dettes de court terme (elle emprunte par exemple sur trois semaines pour financer une créance fournisseur, mais du fait du délai de paiement, elle est obligée de contracter un nouvel emprunt).

Et son sous-ratio de liquidité immédiate = disponibilités / dettes à court terme

L’interprétation est la même, mais on s’intéresse ici qu’à la trésorerie et les emprunts bancaires de court-terme (pour faire simple, on compare le compte-courant avec la dette à rembourser à court terme). Plus ce ratio est élevé, plus l’entreprise est capable de rembourser ses emprunts avec sa trésorerie.

L’autre ratio intéressant est la capacité de remboursement = endettement net / capacité d’autofinancement. Il s’agit de savoir si l’entreprise a suffisamment de capacité d’autofinancement (produits encaissables-charges décaissables, qui représente à peu près l’argent que l’entreprise est capable de mettre sur la table). Plus ce chiffre est élevé, plus l’endettement est fort par rapport aux capacités de l’entreprise à générer de la trésorerie. Ce ratio est en revanche difficile à calculer en période de fortes incertitudes comme aujourd’hui.

[1] Voir ici pour une explication détaillée : https://www.compta-facile.com/soldes-intermediaires-de-gestion-sig/