Mai-juin 68 est une rupture. Par milliers, les ingénieurs, cadres et techniciens participent aux grèves et occupations, contestent l’autorité patronale et se rapprochent des autres catégories de salariés. C’est particulièrement vrai chez Sud-Aviation, Renault, Ferodo, Hispano-Suiza et Neyrpic ou encore dans le groupe CGE, à la CNIM, la Thomson-CSF et la Snecma. L’évolution des consciences, manifeste, se traduit par un afflux d’adhésions et de vote aux 2e et 3e collèges en faveur de la CGT.
Les fruits de la lutte
Des revendications aboutissent sur les salaires, la réduction du temps de travail et la formation professionnelle. La mensualisation est acquise en avril 1970. Celle-ci met fin à la coexistence de deux statuts, celui des ouvriers « horaires », payés à la quinzaine, et celui des employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise (ETDA) payés au mois. Les premiers ne percevaient pas de primes d’ancienneté, touchaient une indemnité moindre lors du départ en retraite ou du licenciement et bénéficiaient d’une prise en charge moins favorable de la maladie, de l’accident ou de la maternité. La grille de classification, refondue en juillet 1975, reconnaît – entre autres – les diplômes, institue une catégorie nouvelle – les « techniciens d’atelier » – mais refuse celle d’« agent de maîtrise ».
Toutefois, les ingénieurs et cadres en sont exclus, leur grille étant intégrée à la convention collective signée le 13 mars 1972. Leur ralliement aux grèves et occupations a suffisamment inquiété le patronat pour que celui-ci accepte l’idée d’une convention collective nationale propre à ces deux catégories, non sans arrière-pensées. Au nom du vieil adage « diviser pour mieux régner », le patronat espérait préserver sa mainmise sur l’encadrement et lui faire jouer un nouveau rôle, celui de contourner les droits syndicaux obtenus dans les entreprises.
La naissance de l’UFICT
C’est dans ce contexte que le 27e congrès fédéral, en février 1971, conformément aux orientations confédérales, décide la constitution d’un outil spécifique : l’Union Fédérale des Ingénieurs, Cadres et Techniciens de la métallurgie (UFICT) qui compte alors 10 000 membres. Sa conférence constitutive, en janvier 1973 à Paris, conduit à regrouper en son sein les syndicats et sections syndicales des techniciens, dessinateurs, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres. Son rôle n’est pas d’être une CGT bis, mais de favoriser l’adhésion de ces catégories de salariés, de développer leurs organisations et d’élaborer une plateforme revendicative s’inscrivant dans le projet de convention collective nationale de la métallurgie.
De nombreuses luttes accompagnent cette naissance : celle pour la reconnaissance de la représentativité syndicale et l’obtention de la désignation de délégués syndicaux, comme à la Snecma Villaroche ; celle contre les plans de licenciements comme chez RVI Vénissieux ; celle pour la défense de l’outil de production et des savoir-faire, comme à l’Alsthom Belfort ou plus largement contre l’individualisation des salaires et la précarité croissante, notamment chez les jeunes.
Les succès obtenus et les progrès dans l’implantation syndicale – l’UFICT compte désormais 35 000 adhérents – incitent un franchir un cap, avec la tenue les 27, 28 et 29 novembre 1980 du congrès constitutif de l’UFICT Métallurgie. Mais les difficultés vont s’accumuler face à cette dynamique, comme nous le verrons dans le prochain numéro.