Une nouvelle exposition consacrée à Roger Linet et réalisée par l’IHS Métaux a été présentée à Chargé (Indre-et-Loire) en mars 2023 à l’occasion de la journée d’hommage rendu à Roger Linet.

Nous publions ici le texte qui la compose !

 

1 | D’ouvrier métallo dans le nivernais … au militant syndicaliste et communiste

Roger Linet est né le 7 mars 1914 à Cours-les-Barres, dans le Cher. Issu d’une famille modeste, son père était ouvrier riveur et sa mère femme de ménage. Après son certificat d’études primaires, il entre comme apprenti-tourneur aux Ateliers de Vauzelles, dans la Nièvre, en 1928.

En 1931, il quitte le nivernais et rejoint la région parisienne. A Paris, il travaille d’abord dans une petite entreprise située Rue des rondeaux (XXème arr.) comme chromeur nickeleur. Après l’incendie de cette entreprise, il retrouva du travail quelques mois plus tard comme tourneur nickeleur, à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine.

Au cœur de la lutte contre le fascisme !

A 19 ans, en 1933, Roger Linet commence à militer et adhère à la CGTU, au syndicat des métaux du XIème arr. de Paris, dont il devient le secrétaire deux ans plus tard.

Face à la montée du fascisme en France et en Europe, il rejoint le Parti communiste dès 1934, et participe activement aux mobilisations contre les actions violentes menées alors par des groupes d’extrême droite et fascistes.

Roger, acteur des grèves et des progrès sociaux

De 1934 à 1936, Roger participe aux mouvements de grève qui agitent le monde du travail partout en France, ce qui lui vaut de participer aux négociations des premières conventions collectives, et d’intégrer la direction de l’Union des syndicats CGT des métaux de la région parisienne. Roger rappelait souvent les difficultés des permanents syndicaux de ces années-là, poursuivis par la police, ne sachant jamais s’ils pourraient se dégager un salaire.

En réaction à la crise économique et sociale et à ces tentatives d’imposer l’idéologie fasciste, une coalition de partis de gauche s’organise ; ce sera le Front populaire. Cette coalition gouvernera de mai 1936 à avril 1938 et abondera en faveur de progrès sociaux : congés payés, semaine de 40h, conventions collectives, etc.

Des réalisations sociales pour toutes et tous !

Pour les métallos parisiens, la syndicalisation massive au moment du Front populaire rendra possible le développement de réalisations sociales de grande ampleur, répondant aux besoins des travailleurs et travailleuses : école de formation pour les chômeurs, centre de santé, mutuelle, parc de loisirs !

Roger Linet sera aux premiers rangs de celles et ceux qui ont vu se construire ces projets !

2 | 1939-1945 : de la Résistance à l’enfer des camps … vers le devoir de mémoire

Septembre 1939, la Seconde guerre mondiale est déclarée. Mobilisé en 1939, Roger Linet est fait prisonnier mais parvient à s’évader et rejoint la Résistance.

De Roger au « Commandant Rivière »

Dès juin 1941, Roger devient membre de l’Organisation spéciale (OS) en région parisienne, structure clandestine du Parti communiste français. Il participe à la première action importante de sabotage : le déraillement d’un train de marchandises en Seine-Saint-Denis, dans la nuit du 16 au 17 juillet 1941.

En mai 1942, il intègre la direction des Francs-Tireurs et Partisans (FTP), mouvement de résistance intérieure communiste, sous le pseudonyme de « Commandant Rivière ». En janvier 1943, il est arrêté sur dénonciation, puis interné à la prison de Fresnes.

Déportation et emprisonnement

Roger Linet fut déporté le 11 juillet 1943 au camp de Natzweiler-Struthof en Alsace, avec une cinquantaine de prisonniers. Là, tous furent étiquetés « NN » Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard) ce qui signifiait condamnés à disparaître sans laisser de traces.

Transféré au camp de Dachau, en Allemagne, il fera partie de la direction clandestine communiste du camp. Dès la libération du camp par l’armée américaine, le 29 avril 1945, Roger propose qu’une manifestation soit organisée dans le camp pour célébrer le 1er mai ! A son retour de déportation, sa première visite fut pour la fédération CGT des Métaux. En pleine préparation du 1er congrès d’après-guerre, Louis Gatignon, chargé de l’hommage aux disparus, entendant parler de Linet, demanda à Roger avec ses 40 kg de moins, s’il savait où trouver une photo du camarade. Celui-ci lui répondit : « Et bien ! tu peux la prendre ta photo ! ».

De la nécessité de témoigner …

Roger Linet se consacrera à la mémoire de la Déportation et de la Résistance. Avec des camarades, ils imaginent dès les années 1960 la création d’un Musée de la Résistance nationale, situé aujourd’hui à Champigny-sur-Marne.

Avec Max Nevers et Roger Leroy, ils témoigneront de l’enfer concentrationnaire dans le livre 1943-1945 La Résistance en enfer (Paris, Messidor, 1991). Ils livrent le récit de leur internement, de la violence brute de la répression et du fascisme, mais aussi de la force vive et solidaire dont les hommes sont capables entre eux. Que toutes et tous, nous sachions l’histoire de ces hommes et de ces femmes qui, au péril de leur vie, ont lutté pour notre liberté, aujourd’hui !

3 | Responsabilités syndicales et politiques

Union syndicale des métaux de la Seine

Aux lendemains de la guerre, Roger Linet est élu secrétaire de l’Union des syndicats CGT de la métallurgie de la région parisienne. Il siège ainsi à la tribune du congrès de 1945, sous la présidence d’Alfred Costes, et en présence de Michèle Gautier et de sa mère ; la veuve d’Henri Gautier.

Au syndicat de Renault-Billancourt

En pleine grève d’avril-mai 1947, Roger Linet est envoyé par Benoît Frachon, alors secrétaire général de la CGT, pour renforcer le syndicat CGT des usines Renault de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), créé en 1946.

C’est la période du Plan Marshall, puis des grandes grèves de 1953, de la fin de la guerre en Corée, des mobilisations contre les guerres au Viêt Nam et en Algérie… C’est dans ce contexte que Roger Linet assume le secrétariat général du syndicat, de 1947 à 1958. Des années de luttes intenses seront menées !

Roger, député communiste de la Seine

En avril 1951, à l’ouverture de la campagne électorale des législatives, la direction du Parti communiste décide de présenter Roger sur la liste conduite par Maurice Thorez, dans le département de la Seine. Il sera élu député le 17 juin et siègera à l’Assemblée nationale jusqu’en 1956 !

Roger Linet est membre de la Commission Travail, chargé des dossiers relatifs à la métallurgie et d’une veille sur les droits de la main d’œuvre immigrée.

Roger prend la parole à la porte des grandes usines ou des dépôts de la SNCF, pendant des campagnes électorales ou des fêtes fédérales … partout Roger est considéré comme le « député de chez Renault » !

Membre du Comité central du PCF (1950-1954) et du Bureau de la fédération PCF de la Seine, secrétaire général du syndicat CGT de Renault Billancourt, membre du Bureau de l’Union syndicale des travailleurs métallurgistes et du Comité exécutif de la FTM (1953-1962), Roger milite également au sein du Comité national du Mouvement de la Paix !

4 | Roger LINET, au service des œuvres sociales du syndicat des métallos !

A la direction du centre Suzanne Masson : pour la modernité !

En 1958, Roger LINET est sollicité pour devenir directeur du centre Suzanne Masson, centre de réadaptation professionnelle pour travailleurs en situation de handicap, créé en 1950 par l’Union des syndicats CGT de la métallurgie de la région parisienne.

Roger est choisi car l’enjeu est de taille. En effet l’établissement est menacé de fermeture. Il faut reprendre en main la gestion, répondre aux exigences ministérielles, regagner la confiance d’une partie du personnel. Pour cela il met en place un collectif de direction, réorganise les services techniques et les équipes de formation, œuvre à l’amélioration de l’accueil des stagiaires, organise des groupes de suivi pluridisciplinaires et étoffe le service médical jusqu’à créer un véritable service médico-social en 1963 ! Le centre Suzanne Masson en sort renforcé. Roger a fait souffler son énergie et son enthousiasme et créé les conditions pour le développement et l’innovation au service des travailleurs.

Roger, président de l’Union fraternelle des métallurgistes

En 1974, Roger LINET prend sa retraite, mais prolonge son engagement pour les métallos en assumant la présidence de l’Union fraternelle des métallurgistes (UFM), structure de gestion des réalisations sociales du syndicat CGT des métaux. C’est l’heure d’un grand projet de rassemblement des organisations de la CGT au sein d’un projet immobilier aux portes de Paris, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Dans le cadre de la construction de ce complexe, Roger propose au conseil d’administration de l’UFM du 14 mars 1974, la construction d’un nouvel établissement de rééducation professionnelle pour renforcer les activités du centre Masson et mieux répondre aux besoins du monde du travail. Sous son impulsion, cette idée aboutit à la création du centre Jean-Pierre TIMBAUD, inauguré dix ans plus tard, en 1984 !

Une retraite bien méritée : Roger LINET, écrivain !

Très attaché à sa fédération, Roger est présent à chaque congrès et au-delà des rendez-vous annuels des anciens, il accueille régulièrement le bureau fédéral dans sa demeure des bords de Loire.

A la demande des métallos, il consacre les vingt dernières années de sa vie à mettre par écrit son long parcours de militant à travers le XXème siècle. Cela se traduit par la publication de plusieurs ouvrages, riches contributions à la mémoire des luttes syndicales et politiques, de la Résistance et de la Déportation :

1933-1943 La traversée de la tourmente (Paris, Messidor, 1990)

1943-1945 La Résistance en enfer (Paris, Messidor, 1991)

CGT : lendemains de guerre 1944-1947 (Paris, Hachette, 1995)

Renault 1947-1958. Les années chaudes de la guerre froide (Paris, VO/Editions Le Temps des Cerises, 1997)

Roger LINET décède le 15 février 2003 à Chargé, en Indre-et-Loire

Le militant CGT, tourneur-nickeleur, titulaire du certificat d’étude est Croix de guerre, titulaire de la Légion d’honneur, ancien Président de l’Amicale des anciens déportés de Natzwiller-Struthof et Président d’honneur de l’Institut CGT d’histoire sociale de la métallurgie, au côté d’Henri Rol-Tanguy.

Son nom a été donné à l’esplanade située devant la Maison des Métallurgistes, rue Jean-Pierre Timbaud, à Paris, réunissant les camarades métallos des années trente.

Cette exposition est composée de 4 panneaux [60x170cm] est disponible pour le prêt. Vous êtes intéressés ? merci de nous contacter : ihs@ftm-cgt.fr et ihs.gas@free.fr