Les ordonnances Macron ont bon dos pour les patrons qui ne cessent de trouver des subterfuges pour tenter d’affaiblir encore un peu plus la représentation des salariés à l’entreprise. Dernière trouvaille en vigueur, exclure les salariés mis à disposition pour la répartition des sièges dans les collèges.
Méthode bien huilée…
La méthode est bien rodée dans le cadre de la négociation du protocole préélectoral. Tout commence bien avec le respect de l’article L1111-2 sur la détermination de l’effectif avec la prise en compte des salariés mis à disposition pour établir le nombre global de sièges à élire. Les directions indiquent également avoir bien questionné ces salariés, pour savoir s’ils souhaitaient voter pour les élections à l’entreprise. Ensuite, la direction indique qu’elle a eu un ou des retours, pour l’instant tout est normal.
Mais les choses se corsent lors de la répartition de ces sièges entre les différents collèges. En effet, la direction exclut alors de facto des effectifs pour la répartition des sièges dans les collèges, les salariés qui ne souhaitent pas voter dans l’entreprise d’accueil, mais elle exclut aussi ceux qui n’ont pas répondu. Résultat des courses, la méthode permet ainsi d’affaiblir un collège en réduisant ainsi le nombre de salariés au profit d’un autre collège et cela impact ainsi la répartition des sièges dans les collèges. Comme par hasard, cette entourloupe a toujours pour effet d’affaiblir le collège où la CGT est bien implantée….
... mais illégale
Vous aurez bien noté, que cette méthode est totalement illégale, et il convient de rappeler le cadre légal et jurisprudentiel aux directions. La circulaire n°20 du 13 novembre 2008 précise dans son annexe que « sur la base des données fournies par le prestataire, l’entreprise utilisatrice fixe le décompte des effectifs et la liste électorale.»
Dans un arrêt de 19 janvier 2011, il est précisé que même si le salarié mis à disposition a choisi d’être électeur dans l’entreprise qui l’emploie, il doit toujours être compté dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice dès lors qu’il remplit les conditions prévues par la loi (Cass. soc., 19 janv. 2011, n° 10-60.296 : JurisData n° 2011-000356 ; RJS 2011, n° 337 ; JCP S 2011, 1172 , note Y. Pagnerre ; Dr. soc. 2011, p. 470, note F. Petit).
L’ensemble de ces éléments nous conduit également à l’obligation de loyauté de la direction. A t-elle été respectée notamment en matière d’information sur la détermination des effectifs à prendre en compte dans le cadre de la négociation du protocole ? En cas de réponse négative cela peut servir à ouvrir un contentieux sous cet angle là.
Selon la Cour, l’employeur doit en application de son obligation de loyauté, fournir aux syndicats participant à la négociation du protocole préélectoral, s’ils le demandent, les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif et des listes électorales. Pour satisfaire à cette obligation, l’employeur peut soit mettre à la disposition de ces syndicats le registre unique du personnel et les déclarations annuelles des données sociales (à laquelle se substitue aujourd’hui la déclaration sociale nominative) des années concernées dans des conditions permettant l’exercice effectif de leur consultation, soit leur communiquer des copies ou extraits desdits documents, expurgés des éléments confidentiels relatifs à la rémunération des salariés (Cass. soc., 6 janv. 2016, n° 15-10.97 : JurisData n° 2016-000015 ; JCP S 2016, 1069, note B. Gauriau ; RJS 2016, n° 194 ; RDT 2016, p. 284, note C. Nicod).
Donc pour conclure, on vous appelle à la plus grande vigilance lors de la négociation du protocole préélectoral sur le sujet des salariés mis à disposition. Les ordonnances Macron n’ont pas chamboulé l’intégralité du droit, et les jurisprudences continuent de produire une norme de droit dont l’employeur ne peut s’extraire.