Les négociations sur le dispositif conventionnel ont débuté par une offensive patronale contre les classifications. D’une reconnaissance des diplômes et des compétences acquises, l’UIMM veut imposer le classement des postes de travail, le salarié n’étant plus classifié qu’en fonction du poste occupé.
Cet assaut n’est pas une nouveauté et la Fédération a croisé le fer à de plusieurs reprises sur ce sujet. La lutte menée à la fin de l’année 1990 est à cet égard exemplaire.
Un contexte difficile
La seconde moitié des années 1980 soumet la CGT à rude épreuve. Le retour de la droite au pouvoir en 1986 se traduit ainsi par des privatisations et l’aggravation de la casse industrielle : après la sidérurgie et la machine-outil, la construction navale, l’électronique et l’automobile sont dans le viseur. Dans le même temps, la répression syndicale se durcit, avec plus de 66 000 élus et mandatés licenciés entre 1982 et 1990. Sur le plan international, la chute de l’Union soviétique ou encore la guerre du Golfe occupent les esprits.
Pour autant, la CGT n’est pas inactive. Année de lutte intense, 1989 connait plus de 1 800 actions mobilisant un million de métallos, tandis que pour la première fois en 17 ans, le 100 % FNI est atteint !
L’offensive patronale
L’enquête fédérale sur les salaires de 1989 révèle que 55 % des métallurgistes gagnent moins de 6 500 francs par mois, moins que le SMIC alors revendiqué par la CGT. La même année, les profits des cinq principaux groupes industriels s’élèvent à 40 milliards, l’équivalent d’une augmentation de 1 500 francs pour tous les métallos.
La prime d’ancienneté, créée par l’accord sur la mensualisation de 1971 et étendue à l’ensemble des ouvriers métallurgistes en 1974, est un obstacle à la politique patronale d’individualisation et de baisse des salaires. Représentant en moyenne 8 % du salaire, elle est souvent la seule augmentation à laquelle peuvent prétendre tous les métallos chaque année.
Dans un premier temps, l’UIMM en limite le coût, par le gel des minimas hiérarchiques servant de base à son calcul.
Elle s’inspire ensuite de l’accord du 4 mai 1988, signé par la CFDT, FO et la CGC dans les garages. En janvier 1990, elle obtient ainsi, au sein de la convention collective de Rouen-Dieppe, un protocole d’accord prévoyant l’intégration de la prime d’ancienneté au salaire, en échange d’une revalorisation des retraites complémentaires.
Fin octobre, l’UIMM annonce sa volonté de remplacer la prime d’ancienneté par des points retraite, de formation ou de temps libre à prendre en fin de carrière.
Le rapport de force
La Fédération n’avait pas attendu pour contre-attaquer. Elle revendique le calcul de la prime d’ancienneté sur la base d’un SMIC à 6 500 francs pour 39 heures, à raison d’1 % par année de présence dès l’embauche et son extension à toutes les branches de la métallurgie.
En juillet 1990, une carte-pétition est lancée. Signée par plus de 65 000 salariés, elle est un point d’appui appréciable dans les luttes et les débats.
Déclarant que « les discussions UIMM, ce n’est pas l’affaire des négociateurs ; les salariés doivent faire entendre leur voix », la Fédération organise une grande consultation nationale. À chaque séance de négociations, des débrayages et des rassemblements sont organisés devant les chambres patronales et le siège de l’UIMM.
Faute d’obtenir le soutien des autres organisations syndicales, l’UIMM renonce le 18 décembre à remettre en cause la prime d’ancienneté. Elle obtient malgré tout la généralisation du double barème dans les conventions collectives territoriales, ce qui développe un peu plus l’annualisation du temps de travail.
Cette victoire est à mettre au compte de l’engagement des syndicats et des syndiqués et de la démarche démocratique adoptée tout au long de la lutte. Un bel exemple pour aujourd’hui !