Le Comité exécutif fédéral du 10 octobre dernier a été l’occasion de faire découvrir aux membres de la direction fédérale la nouvelle configuration du local d’archives fédérales. Une cinquantaine de personnes ont ainsi pu visiter le lieu où les pièces constituant l’histoire de la Fédération sont préservées. Retrouvez ci-après des extraits de l’intervention prononcée à cette occasion.
Je vous souhaite la bienvenue dans votre local d’archives. Si je dis votre local, ce n’est pas tant pour vous inviter à vous servir dans les rayonnages que pour marquer, d’entrée de jeu, que cet espace et ce qu’il contient sont la propriété collective de tous les adhérents CGT de la métallurgie. Ceci implique des droits, comme pouvoir consulter les archives mais également des devoirs, comme celui de préserver, pour l’avenir, ce patrimoine. La Fédération a pris cette responsabilité à bras-le-corps, en recrutant un archiviste et en finançant l’installation de magasins à rayonnages mobiles.
Pourquoi préserver les archives ?
Telle est la question qui se pose parfois – après un long soupir –, lorsque l’on pousse la porte d’une cave, d’un grenier ou d’un placard qui déborde de liasses de documents, d’objets, de boîtes. La tentation est souvent forte d’opérer un classement vertical, entendez du haut de l’étagère vers la corbeille à papier. Cette méthode expéditive est une catastrophe pour l’histoire de nos organisations.
L’actualité ne cesse pourtant de démontrer que l’histoire est un enjeu politique important. L’effacement des luttes sociales des programmes scolaires et des médias, la récupération politique de grandes figures du mouvement ouvrier ou encore la négation du rôle émancipateur des organisations syndicales et démocratiques sont autant d’exemples de la campagne idéologique qui est menée, avec un succès certain, depuis des années par les possédants. Dans ce contexte, une bataille particulière se mène dans les entreprises. De plus en plus souvent, celles-ci financent des recherches, des ouvrages, des expositions défendant une histoire d’entreprise dans laquelle les directions sont saluées pour leurs résultats économiques, tandis que les salariés sont singulièrement absents.
Les tentatives de réhabilitation de Louis Renault, le portail « Histalu » sur l’histoire des entreprises de l’aluminium, le centre d’archives de Terre-Blanche du groupe PSA témoignent de l’étendue des moyens matériels et humains mis en œuvre. Le mouvement syndical a donc une responsabilité dans l’écriture et la transmission de l’histoire et de la mémoire du travail, des travailleurs et de leurs organisations. Parce qu’il est acteur de cette histoire, il doit s’exprimer pour faire connaître ce passé.
Mais pour cela, les archives doivent être préservées, classées et indexées ! Car sans archives, il n’y a pas de matière première pour écrire l’histoire, notre histoire, celle des hommes et des femmes qui, par leur travail produisent
les richesses et qui, par leur lutte refusent de céder à l’individualisation, à la financiarisation et revendiquent une autre société, égalitaire, solidaire, satisfaisant les besoins sociaux des populations. Cette histoire, nous ne pouvons l’écrire, la faire connaître que si nous préservons et utilisons nos archives.
Les archives fédérales
En 2014, la physionomie du local d’archives était sensiblement différente… Il était saturé à plus de 90 %, les allées étaient encombrées de cartons et de choses plus exotiques, comme une gazinière ou encore des paires de rideaux… La première tâche a été de créer un appel d’air, c’est-à-dire de libérer des tablettes afin de pouvoir intégrer progressivement tout ce qui traînait dans les allées : en conditionnant les liasses de documents sans boîtes, en jetant les piles de tracts et de publications dont on conservait religieusement plusieurs centaines d’exemplaires, en rationalisant l’espace.
Mais cette première tâche, bien que nécessaire, ne résolvait pas le problème de fond, celui de la capacité des rayonnages. Il y a environ 10 000 boîtes d’archives stockées, soit un kilomètre si nous mettons les boîtes d’archives côte-à-côte. Il y avait urgence à aménager le local pour en augmenter sa capacité, pour faciliter les opérations de classement, de tri et d’inventaire et pour anticiper l’accroissement naturel – et en premier lieu tout ce qui dormait dans les placards au cinquième étage faute de place en bas. La direction fédérale a fait le choix d’investir et de doter le local d’archives de magasins à rayonnages mobiles d’une capacité total de 20 000 boîtes. De quoi voir venir !
Le chantier s’est déroulé en deux phases, une en février 2017 et l’autre en février 2018. Dans un premier temps, la zone située au fond du local a été libérée. Pour cela, il a tout d’abord fallu vider et démonter les anciens rayonnages
fixes, qu’il a fallu ensuite remonter et remplir. Ensuite, le premier magasin à rayonnages mobiles posé, il a fallu transférer progressivement ce qui était stocké sur les anciens rayonnages fixes dans le nouveau magasin et démonter ces derniers au fur et à mesure. Au final, plus de 20 000 mouvements de boîtes d’archives ont été effectués, pour un poids total déplacé de plus de cent tonnes de papier. Il faut remercier vivement Hélène Stern qui, du haut de ses quatre-vingts printemps, est venue chaque semaine prêter main-forte.
Et demain ?
Les archives fédérales couvrent une période allant du dernier quart du XIXe siècle au début du XXIe siècle. L’essentiel de ces boîtes concerne l’activité de la fédération, mais on remarque aussi la présence d’archives des USTM de la région parisienne ou encore de syndicats d’établissement et de groupe : Citroën, Thalès, Schlumberger Compteurs de Montrouge. Il s’agit surtout d’archives papier, mais il y a également un fonds photographique et iconographique comprenant plusieurs milliers de documents, ainsi que des enregistrements audio et audiovisuels. Il faut insister ici sur la valeur historique et politique de nos fonds. Nous sommes ainsi les seuls à détenir certaines publications antérieures à 1914 comme L’Ouvrier métallurgiste ou encore L’Ouvrier en voitures. Si ces pièces venaient à disparaître, c’est un pan entier de l’histoire syndicale qui serait définitivement perdu.
Seuls la presse fédérale et quelques petits fonds d’archives sont aujourd’hui triés, classés et inventoriés. L’essentiel attend encore d’être traité. 70 % du fonds d’archive est identifié, 30 % reste à vérifier. 15 % des boîtes ont été enregistré informatiquement dans ce que l’on appelle un plan de récolement, c’est-à-dire un fichier reproduisant les informations portées sur la tranche de la boîte et indiquant sa localisation physique dans le magasin. La priorité est d’achever la vérification et l’enregistrement des informations, afin de disposer d’un outil nous permettant de savoir ce que nous possédons et de pouvoir éventuellement le communiquer. Cet outil permettra également à terme de reconstituer les sous-fonds (par secteur d’activité par exemple) et de rentrer dans le dur, à savoir le tri, le classement et l’inventaire.
Parmi les autres chantiers, citons le traitement du fonds iconographiques (affiches et photographies) où plusieurs dizaines de milliers de documents attendent d’être identifié, numérisé et reconditionné ou encore le traitement des
milliers d’ouvrages composant la bibliothèque fédérale qui sera installée au 94 rue Jean-Pierre Timbaud.
En guise de conclusion
Cette inauguration doit être un moment qui participe à la prise de conscience de l’importance de nos archives et de notre histoire. Elles méritent d’être connues de tous, syndiqués et salariés de la métallurgie et c’est la mission première de l’Institut CGT d’histoire sociale de la métallurgie, association fondée par la Fédération, l’UFR, l’UFICT et les USTM lors du congrès fédéral de 2001. Je vous invite donc tous à adhérer, à faire adhérer vos structures à l’IHS Métallurgie et à vous faire les sentinelles des archives !