Parmi les fruits de mai-juin 1968, l’accord national du 10 juillet 1970 sur la mensualisation du personnel ouvrier dans la métallurgie est incontournable, car il a mis fin à la coexistence dans les entreprises de deux statuts, celui des ouvriers « horaires » payés à la quinzaine et celui des employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise payés au mois.
Pour un statut unique !
Il ne s’agit pas que d’une harmonisation du calendrier des paies, une douzaine de différences existant entre les deux statuts. Ainsi, les « horaires » ne percevaient pas de primes d’ancienneté, touchaient une indemnité moindre lors du départ en retraite ou du licenciement et bénéficiaient d’une prise en charge moins favorable de la maladie, de l’accident ou de la maternité.
Cette disparité est dénoncée par la fédération, qui invite dès 1959 les salariés à exiger « l’extension aux ouvriers des droits sociaux acquis par les mensuels ». En 1968, elle revendique la mensualisation, en l’inscrivant dans sa lutte pour une convention collective nationale de la métallurgie. Dans quelques entreprises, celle-ci a déjà été en tout ou partie obtenue, comme chez Dassault, Renault, Thomson, IBM ou dans l’aérospatiale.
Le patronat ouvre des négociations dans la sidérurgie en octobre 1969, puis dans la métallurgie en avril 1970. D’emblée, il défend une mensualisation au rabais, arguant des risques de flambée de l’absentéisme, de baisse de productivité ou de hausse des « charges ». Finalement, l’accord est signé en juillet 1970 sous la pression des luttes. La Fédération juge l’accord positif, tout en soulignant qu’il ne constitue pas encore un statut unique et que les délais de mise en œuvre sont trop longs.
Le délai de carence pour maladie et accident
L’indemnisation de la maladie et des accidents du travail est particulièrement combattue, le patronat voulant un délai de carence de six jours. Finalement, il accepte trois jours et sa suppression totale au 1er janvier 1974 si le taux d’absentéisme reste stable. Après un an d’ancienneté, le salarié perçoit durant les 45 premiers jours « la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait continué à travailler », puis 75 % de cette rémunération les 30 jours suivants. Des prolongations sont prévues après de cinq années de présence.
Le recul patronal est de courte durée. Jusqu’en 1974, il tente d’imposer une interprétation restrictive, en appliquant les trois jours de carence à chaque arrêt maladie, au lieu d’une seule fois pour toute la durée d’indemnisation. En outre, il envoie des médecins-contrôleurs et il s’efforce de faire verser le complément de rémunération par les assurances ou la prévoyance, ce qui ouvre la porte à un éventuel non-paiement des cotisations sociales, si celui-ci est considéré comme une indemnité et non comme du salaire. La vigilance syndicale permet d’éviter que cet accord ne soit vidé dans la pratique de son contenu.
Une brèche exploitée
Au tournant des années 2000, la Fédération a remarqué que des salariés perdaient le bénéfice de certaines primes (de transport ou de panier) à l’occasion de la maladie. En compulsant la jurisprudence, il est apparu que les juges ne suivaient pas l’analyse patronale selon laquelle la rémunération n’était constituée que des éléments soumis à cotisations sociales. Pendant une dizaine d’années, la Fédération a initiée et soutenue des actions judiciaires qui ont permis à de nombreux salariés de récupérer des sommes parfois conséquentes.
Cette brèche a aujourd’hui été comblée par le patronat, à l’occasion de la renégociation des accords territoriaux. Mais l’usage qui en a été fait par la Fédération illustre parfaitement l’adage selon lequel « un accord ne vaut que par l’application qui en est faite. » Connaître ses droits pour mieux les défendre est incontournable, d’autant plus lorsque l’UIMM entend imposer un recul sans précédent de nos droits. Les accords collectifs sont le fruit de nos luttes, défendons-les !