Ce texte reproduit une partie de l’intervention prononcée devant le 42e congrès fédéral par l’Institut CGT d’histoire sociale de la métallurgie.

C’est la première fois, en près d’un siècle et demi d’existence du syndicalisme dans la métallurgie, que se tenait un congrès national à Montpellier. De son côté, la confédération y a tenu ses assises à deux reprises.

La première fois, c’était en septembre 1902, un congrès qui a fait date dans l’histoire du syndicalisme, avec la création de l’échelon confédéral et avec la fusion de la Fédération Nationale des Syndicats avec celle des Bourses du Travail. Louis Niel, secrétaire de la Bourse du Travail de Montpellier et éphémère secrétaire général de la CGT entre février et mai 1909, en fut l’une des chevilles ouvrières.

La seconde fois, c’était en mars 2003, à l’occasion du 47e congrès confédéral. Il a également marqué notre histoire récente, en adoptant la charte de la vie syndicale, la revendication de Nouveau statut du travail salarié ou en lançant ce qui est devenu Cogétise.

L’Hérault n’est pas un grand bastion de la métallurgie, son économie est davantage connue pour sa vigne et ses produits agricoles ! Un bon départ avait pourtant été pris, puisque l’on trouve à Cabrières l’un des plus anciens sites français de métallurgie du cuivre, daté du IIIe millénaire avant notre ère. Plus près de nous, un magnifique atelier de réduction du fer, avec trois bas-fourneaux, du IVe siècle avant notre ère a été mis au jour à Combaillaux, à quelques kilomètres de Montpellier.

Faisons un bon dans le temps. Les premières chambres syndicales ont vu le jour dans notre branche en 1882 chez les métallurgistes de Cette (Sète depuis 1927), chez les maréchaux-ferrants de Montpellier en 1891, chez les mécaniciens et chauffeurs de Béziers en 1892 et chez les ouvriers de la construction automobile de Montpellier en 1893.

Même si les métallos ne sont pas très nombreux, l’Hérault se place malgré tout parmi les tout premiers départements français en nombre de grèves et de grévistes, entre la fin du XIXe siècle et la veille de la Seconde Guerre mondiale.

La grève la plus célèbre est sans aucun doute la révolte des vignerons de 1907, la « révolte des gueux du Midi », comme certains l’ont surnommée. Une grave crise de surproduction de vin sème la ruine et la misère parmi les viticulteurs. La colère éclate le 11 mars 1907. Elle enfle jusqu’au 9 juin, réunissant entre 600 000 et 800 000 personnes à Montpellier, sur la place de la Comédie.

En réponse, le gouvernement dirigé par Georges Clémenceau fait appel à l’armée, 25 000 fantassins et 8 000 cavaliers, pour « rétablir l’ordre », au prix de l’usage des armes contre la foule. Apprenant la situation, 500 soldats du 17e Régime d’Infanterie de Ligne se rendent à Béziers, mettent crosse en l’air et fraternisent avec les manifestants. Le parolier Montéhus tira de cet événement son célèbre chant antimilitariste « Gloire au 17e ».

La colère retombe avec l’amnistie en faveur des manifestants poursuivis, une exonération d’impôts et une loi anti-fraude encadrant mieux la filière. La surproduction trouva à s’écouler quelques années plus tard, pour améliorer le quotidien des poilus au front.

Durant l’entre-deux-guerres, le syndicalisme recule dans la métallurgie, victime de la répression patronale et de la division syndicale. Les grèves dans la métallurgie sont rares, mais pas inexistantes, comme chez les fondeurs de Ceilhes en 1923, dans les industries électriques de Montpellier en 1925 ou encore chez les métallurgistes de Béziers en 1928.

Les grèves du Front populaire, parties du Havre le 11 mai 1936 avant de s’étendre progressivement au pays, n’atteignent l’Hérault que le 2 juin. Ce jour-là, les 1 800 salariés de Fouga, à Béziers, une entreprise de réparation de matériel ferroviaire, cessent le travail et montrent l’exemple aux métallos de Sète et de Montpellier, aux mécanos du garage Citroën de Béziers. Une convention collective départementale est signée le 8 octobre. Signalons en passant que l’un des signataires des accords de Matignon, n’est autre que Raymond Sémat, un ancien salarié de Fouga, devenu secrétaire de notre Fédération.

L’Hérault a aussi été un haut lieu de la solidarité avec l’Espagne républicaine, en lutte contre le coup d’État du général Franco soutenu par l’Allemagne nazie. Cette solidarité s’est traduite par des meetings, des collectes de produits de première nécessité, l’accueil d’enfants et l’envoi de volontaires pour combattre dans les Brigades internationales. Parmi ces derniers, on compte de nombreux métallurgistes héraultais, comme Louis Godefroy qui a participé avec la 14e Brigade internationale aux combats d’Aragon et à la bataille de l’Ebre.

Mais le vent a fini par tourner. L’échec de la grève du 30 novembre 1938, contre la remise en cause des conquêtes du Front populaire, conduit à une vague de licenciements frappant les militants des principales entreprises métallurgiques du département. Quelques mois plus tard, des camps d’internement administratif ouvrent leurs portes à Agde, Sète, Lodève, Clermont-l’Hérault ou encore Ceilhes, pour les réfugiés fuyant la victoire franquiste en Espagne. Refusant la défaite française et l’Occupation, des femmes et des hommes s’engagent dans la Résistance, à l’image de Jean Moulin, né à Béziers et artisan de la création du Conseil national de la Résistance. Certains, comme Raymond Sémat ou Louis Godefroy, au prix d’évasions et de clandestinité, ont connu la Libération. Certains ont été déportés, comme Louis Molinier dans les camps d’Algérie. D’autres enfin ont perdu la vie, comme François Mauron, ajusteur, lors d’une attaque de son maquis par la police française le 8 mai 1944.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Hérault a connu de nombreuses mutations économiques. Ses bassins miniers ont fermé leurs portes, l’entreprise Fouga a fait faillite à la fin des années cinquante, tandis que d’autres entreprises ont vu le jour, comme la Société Le Piston Français à Lunel, qui s’est orientée vers la sous-traitance aéronautique dans les années 1960. Au même moment, la firme informatique américaine IBM s’est installée à La Pompignagne à Montpellier, pour produire des ordinateurs haut de gamme puis des serveurs, avant de réduire drastiquement ses effectifs à partir du milieu des années 1990. Une trajectoire similaire est suivie pour les usines Alstom, puis Areva et enfin Schneider Electric de Fabrègues, Lattes et Montpellier.