Sans revenir sur le « scandale » et le trop long délai de prise de conscience avant son interdiction en 1996, l’amiante reste un sujet médiatique et très émotionnel. L’histoire s’est soldée par la condamnation de l’Etat par le tribunal administratif de Marseille en 2000, tandis que le monde ouvrier n’en fini pas de compter ses victimes. 2001 marquera la création du Fond d’Indemnisation de Victimes de l’Amiante (FIVA), deux ans après l’apparition dans la loi de finance de la sécurité sociale l’Allocation de Cessation Anticipé d’Activité des travailleurs de l’Amiante (ACAATA).
L’ACAATA permet un départ anticipé pour les salariés, s’ils sont atteints d’une maladie liée à l’amiante, ou, de manière automatique, si leur entreprise est reconnue pour y avoir exposé ses salariés. La reconnaissance des expositions a toujours été une bataille mais plus encore pour les périodes post-interdiction de l’amiante.

Remise en cause de la reconnaissance automatique
Pourtant cette exposition est toujours présente pour certains salariés confrontés, par exemple, a des navires provenant de pays où l’amiante n’est pas interdite. C’est le cas des dockers, des douaniers et, pour ce qui concerne la métallurgie, de la réparation navale. Pour ces derniers, depuis quelques mois, l’Etat tente de mettre fin à cette reconnaissance automatique.
Le décret du 9 mai 2017 (Décret n° 2017-899 du 9 mai 2017 relatif au repérage de l’amiante avant certaines opérations : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/5/9/ETST1631937D/jo/texte) oblige les donneurs d’ordres de repérer s’il y a de l’amiante avant d’effectuer des travaux. Des arrêtés d’application indiquent comment procéder pour effectuer les travaux en cas de présence d’amiante. L’objectif est louable puisqu’il permet de faire de la prévention et de protéger mieux les salariés. Mais l’Etat veut profiter de la mise en œuvre de ces décrets pour mettre fin à la reconnaissance de l’exposition de ces salariés, sous prétexte qu’elle ne serait plus « significative », alors que l’on sait qu’il n’y a pas de seuil au dessous duquel l’amiante ne serait plus cancérogène. L’idée est probablement de faire des économies ; Les procédures individuelles sont moins systématiques et nécessitent d’apporter la preuve de l’exposition et les pathologies plusieurs dizaines d’années avant apparaître. Cela permet aussi de rendre invisible, petit à petit, ce passé un peu lourd à porter.

Le principe de précaution
Le risque est aussi de laisser croire que l’on pourrait travailler avec l’amiante sans risques. Les lobbys existent toujours, ils font salon chaque année à La Défense pour tenter de réhabiliter leur fibre. Et notre gouvernement n’est pas très résistant face à ceux-ci…comme pour le glyphosate. Pour les salariés de la réparation navale, il n’est pas question de se laisser faire. Ce sujet sera à l’ordre du jour du prochain collectif qui se tiendra en juin à Brest.


Témoignage de Romuald L’Hostis, CGT DAMEN -Brest
« En 2014, deux ans après la reprise du chantier de réparation naval civil Brestois Sobrena par Damen, une rencontre avec la Direction Générale du Travail a permis d’obtenir le maintien de DAMEN dans le dispositif ACAATA. La délégation a insisté pour faire prendre conscience de la problématique de la réparation navale civile au sujet de l’amiante à bord des navires de commerce. Depuis, le personnel peut partir après avoir exercé son activité pendant 30 ans et cela n’est pas une chance ! Trop de collègues décèdent des suites de maladie entraînée par ce poison.
DAMEN et les salariés du chantier ont pris le sujet très à cœur. De nombreuses procédures de travail ont été écrites pour la protection des salariés et même une salle de retrait de joint, avec aspiration à la source a été créé (la seule en France).
Malgré tout cela, les salariés ne sont pas à l’abri d’une pollution accidentelle à bord ou en atelier. En décembre 2013, l’atelier principal de 20000 m2 a été fermé pour deux mois suite à un meulage de joint amiante par un sous-traitant qui n’a rien à faire des procédures mises en place. Le problème sur notre site c’est que les navires qui viennent en réparation chez nous arrivent de tous les horizons et les lois contre l’utilisation de l’amiante n’est pas la même partout dans le monde.
Voilà que maintenant en France, le gouvernement Macron décide de ne plus appliquer les arrêtés du 28 septembre 2001 et du 22 décembre 2017. Nous ne savons pas vraiment pourquoi. Les salariés de Damen Brest sont très inquiets. Le syndicat CGT va repartir au combat pour faire valoir de droit ce qui lui revient. Un CHSCT extra est prévu début juillet à cet effet.»