(suite de la première et de la seconde partie)
Le climat de la Libération n’est guère favorable à un patronat discrédité, confronté à la mise en œuvre du programme du Conseil national de la Résistance qui prévoit entre autres d’épurer les collabos, de nationaliser de vastes pans de l’économie, de réaliser un plan complet de sécurité sociale.
L’heure est grave. L’UIMM s’ingénie à circonscrire la portée des conquêtes sociales, en particulier les comités d’entreprise et la sécurité sociale, tout en jouant un rôle moteur dans la naissance en 1946 du Conseil national du patronat français (CNPF). Dans la branche, elle parvient à repousser le projet de convention collective nationale portée par notre Fédération.
Isoler la CGT
En 1947, la situation bascule. Les ministres communistes sont exclus du gouvernement et d’importantes vagues de grèves secouent le pays. La Guerre froide s’installe et avec elle une politique encourageant la division syndicale pour isoler la CGT. La CFTC, la CGC et Force ouvrière deviennent dès lors les interlocuteurs privilégiés de la négociation collective et du paritarisme.
Carotte et bâton
Les grèves de mai-juin 1968, prélude à une décennie de conflits sociaux musclés, bousculent le patronat, qui doit reconnaître, bien malgré lui, le droit syndical dans l’entreprise. Pour éteindre l’incendie, l’UIMM entreprend de redorer l’image des industriels auprès de la population et cède sur plusieurs revendications, comme la réduction du temps de travail ou la mensualisation des salaires. Voilà pour la carotte.
Côté bâton, l’UIMM soutient des instituts de formation des cadres aux méthodes antisyndicales, comme l’Institut Supérieur du Travail créé en 1969, lance en 1972 une nouvelle caisse antigrèves, l’Entraide professionnelle des industries de la métallurgie (EPIM) ou encore favorise l’implantation de syndicats-maison (CFT-CSL) et de véritables milices armées dans les entreprises, en particulier du secteur de l’automobile, chargés de faire régner l’ordre et de briser la CGT.
Un patronat qui pèse toujours
L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 écorne de manière limitée l’influence de l’UIMM. Les nationalisations tant redoutées laissent par exemple les hommes du patronat aux commandes et les entreprises devenues publiques continuent de cotiser aux instances patronales, à hauteur de 240 millions de francs en 1985 !
Les profondes restructurations des branches métallurgiques amorcées à partir de la décennie 1970 amoindrissent cependant le poids financier et politique de l’UIMM au sein du patronat. En 2005, pour la première fois, la présidence du Medef échappe à son candidat.
Cet épisode est suivi en 2007 par la révélation de l’existence de l’EPIM, un trésor de guerre de 600 millions d’euros dont au moins 16,5 millions ont été distribués en liquide… Ce coin de voile levé sur ses pratiques incite l’UIMM à faire profil bas, pour mieux riposter à nouveau : l’offensive lancée contre les garanties collectives dans la métallurgie témoigne que l’UIMM est plus que jamais une union de combat.
Si l’UIMM dispose de moyens financiers considérables et de relais politiques et médiatiques complaisants, les travailleurs ont une force, celle du nombre. À plusieurs reprises – en 1936, en 1945, en 1968 – le patronat a dû reculer. Informer, organiser, mobiliser : nos armes sont éprouvées, alors autant y recourir, sans modération !