Toutes les conditions suspensives ayant été levées, et les dernières négociations avec le gouvernement et les syndicats italiens étant terminées, l’opération de rachat du groupe italien Ilva par ArcelorMittal est donc définitivement validée.
Rappelons que le site majeur d’Ilva est situé à Tarente, et représente à lui seul une capacité de production théorique de 9,5 millions de tonnes annuelles, sur le marché des produits « plats carbone » (marché majeur des entités françaises du groupe).
Suite à des problèmes environnementaux, le site sature actuellement à 5,8 millions de tonnes annuelles. Le groupe ArcelorMittal, dans cette opération, s’engage à des investissements à hauteur de 2,3 milliards d’euros, pour faire progressivement monter la production à un premier palier de 8 millions de tonnes annuelles.
En attendant cette montée en puissance, le site de Fos sur Mer sera mis à contribution pour alimenter en brames le site de Gênes. Mais sur le moyen terme, avec la montée en production des sites italiens, nous pouvons être inquiets pour l’avenir de Fos, tourné vers les mêmes marchés méditerranéens, notamment les marchés Industrie et Automobile.
Conséquence de ce rachat, suite à la décision de la commission européenne de la concurrence, le groupe doit se séparer de sites en Italie (Piombino), en Roumanie (Galati), en Macédoine (Skopje), en République tchèque (Ostrava), au Luxembourg (Dudelange) ainsi que de lignes de production en Belgique (Liège). Des entités proposées par le groupe à la commission de la concurrence (Fos en faisait partie initialement), qui bizarrement, pour la plupart, ont souffert d’un sous-investissement manifeste ces dernières années sous la houlette de la famille Mittal.
Toujours est-il que ces opérations de cession menacent l’équilibre de la production d’acier dans ces pays, la cohérence d’une production d’acier européenne face à la concurrence mondiale, générant de fait de fortes inquiétudes chez nos collègues, quant à leur avenir.
Ce rachat d’Ilva pose une question de fond : le montant très important de l’opération et des investissements promis (autour de 4 milliards d’euros au total) se fera-t-il au détriment des besoins en investissements industriels et humains qui restent énormes au sein de nos entités françaises ?
Le sous investissement (industriel et en ressources humaines), avec le détournement de milliards d’euros vers les actionnaires, est dénoncé depuis des années par la CGT. Cette rentrée de congés d’été nous confirme cette dérive : 15 jours d’arrêt de production à Fos sur Mer, suite à une panne de transformateur, un manque de fiabilité chronique du département « agglomération » de Dunkerque qui engendre d’importants surcoûts de production, retard de 12 jours pour le redémarrage du train continu à chaud de Dunkerque, suite aux arrêts de maintenance d’été. Problèmes de fiabilité importants également à Gueugnon (groupe APERAM, détenu par Mittal). Autant dire que ce 4ème trimestre sera très difficile pour résorber les retards accumulés. Les habiles opérations de communications internes et externes du groupe, pour vanter la politique Mittal en France, ne sont qu’un écran de fumée.
Ainsi, face aux promesses du groupe Mittal pour la pérennité des emplois et des investissements à Tarente, la CGT a informé nos collègues italiens que nous avions, en France et plus largement en Europe, les mêmes engagements de la famille Mittal en 2006, lors de l’OPA sur Arcelor. Constat depuis 2006 : des lignes de production et des établissements fermés, une carence importante d’investissement et plus de 10 000 suppressions d’emplois en France (soit près de 30 %) ! Cette nouvelle opération du groupe impliquera d’ailleurs une mise en concurrence des salariés autour des « coûts de production », de la productivité comme ils disent, impactant les conditions de travail et … la rémunération du travail.
L’Etat ne peut donc pas rester spectateur face à cette opération de rachat, d’autant plus qu’une autre offre du groupe fait l’actualité : la volonté de racheter le groupe Essar Steel en Inde, pour plus de 5 milliards d’euros ! Le gouvernement doit remettre autour de la table les différents acteurs, organisations syndicales comprises. Nous l’avons à cet égard sollicité à plusieurs reprises ces derniers mois, ainsi que tout récemment l’ensemble des groupes parlementaires. Des enjeux d’équilibre économique et social dans certaines grandes régions sidérurgiques sont en effet posés.
Sur le fond, la CGT reste opposée à la main mise de multinationales sur notre sidérurgie, considérée comme production stratégique pour l’industrie nationale et européenne. La CGT, avec les syndicats MWB (Belgique) et OGBL (Luxembourg) avait développé en 2012 la piste d’une prise de participation conjointe des Etats européens dans le capital de multinationales telles ArcelorMittal, à hauteur d’une minorité de blocage, afin de pouvoir intervenir dans les stratégies menées. Une proposition très proche des conclusions de l’enquête parlementaire de 2013 sur la sidérurgie et qui reste plus que jamais d’actualité. La mobilisation des sidérurgistes (français, italiens, européens) pour l’emploi, les conditions de travail et la rémunération, reste plus que jamais d’actualité !