L’annonce du rachat du site italien d’Ilva (groupe RIVA) par ArcelorMittal (en partenariat avec l’italien Marcegaglia) constitue de nouveau un risque élevé pour l’équilibre des sites français et des autres sites européens du groupe.
Le complexe d’Ilva, situé à Tarente, représente en effet des capacités de production importantes, avec un potentiel de 9,5 millions de tonnes annuelles, sur le marché des produits « plats carbone », marché majeur des entités françaises du groupe. Il emploie près de 11 000 salariés
Suite à des problèmes environnementaux, le site sature actuellement à 5,8 millions de tonnes annuelles. Le groupe ArcelorMittal, dans cette opération, s’engage à des investissements à hauteur de 2,3 milliards d’euros, pour faire progressivement monter la production à 9,5 millions de tonnes annuelles.
Dans la période transitoire, Fos pourrait être mis à contribution pour alimenter le site d’Ilva en brames.
Mais sur le moyen terme, avec la montée en puissance du site italien, nous pouvons être inquiets pour le site de Fos sur Mer, de son aval en Italie et même pour les sites espagnols dans les Asturies. Ces sites sont tournés vers les mêmes marchés méditerranéens, notamment les marchés de l’Industrie et de l’Automobile. Il peut paraître même légitime de s’interroger sur l’avis que pourrait donner la Commission Européenne sur une éventuelle position dominante du groupe ArcelorMittal sur le marché de l’acier automobile dans le bassin méditerranéen.
Cette opération d’extension du groupe ArcelorMittal en Italie pose plusieurs questions de fond :
- Pourquoi investir sur une montée en puissance d’un site en Italie, alors que des hauts fourneaux dans le groupe sont toujours en arrêt temporaire, comme sur les sites de Florange et de Liège. Ceci d’autant plus que déjà aujourd’hui, les lignes de production françaises et européennes du groupe sont saturées, et ne savent pas répondre aux différents marchés de l’acier.
- De nouvelles capacités de production au sein d’ArcelorMittal Europe peuvent conduire le groupe à opérer des synergies industrielles, amenant un risque de fermetures de capacités de production ailleurs en Europe, voire en France.
- Le montant important des investissements prévus sur Ilva se ferait aux dépens des investissements nécessaires ailleurs dans le groupe. C’est particulièrement vrai en France, où l’on déplore un déficit avéré d’investissements dans de nombreux sites, amenant le groupe à envisager de nouvelles fermetures d’installations.
- Cette extension du groupe en Europe amènerait une nouvelle mise en concurrence des salariés autour des « coûts de production », impactant organisations et conditions de travail, rémunérations.
Face aux promesses du groupe Mittal pour la pérennité des emplois et des investissements à Tarente, rappelons pour nos collègues italiens que nous avions, en France et plus largement en Europe, les mêmes engagements de la famille Mittal en 2006, lors de l’OPA sur Arcelor.
Résultat, 10 ans plus tard : Des lignes de production et des établissements fermés, une carence importante d’investissement dans de nombreux sites (mettant y compris en péril aujourd’hui leur capacité à produire), 10 000 suppressions d’emplois en France (près de 30 %), 46 000 en Europe.
Il faut rappeler que, suite à la restructuration de Florange en 2012, l’Etat français est lié au groupe Arcelor par un accord courant jusqu’à fin 2018. Un accord qui garantie la production des sites français et l’investissement dans le pays. Un accord qui conclut aussi à un arrêt temporaire des hauts fourneaux de Florange, lesquels devraient être redémarrés en cas de relance de la demande.
L’Etat ne peut donc pas rester spectateur face à cette opération de rachat, d’autant plus avec la dégradation effective des capacités de production et de l’emploi dans nos entités françaises. Il doit remettre autour de la table les différents acteurs, organisations syndicales comprises. Une fois encore M. Mittal ne respecte pas les règles de droit européen.
En effet la procédure d’information et de consultation des membres du Comité d’Entreprise Européen est bafouée alors qu’elle a été réclamée depuis des mois.
Sur le fond, la CGT reste opposée à la main mise de multinationales sur notre sidérurgie, considérée comme production stratégique pour l’industrie nationale et européenne. La CGT, avec les syndicats FGTB-MWB (Belgique) et OGBL (Luxembourg) avait développé en 2012 la piste d’une prise de participation conjointe des Etats européens dans le capital de multinationales telles ArcelorMittal, à hauteur d’une minorité de blocage, afin de pouvoir intervenir dans les stratégies menées.
Une proposition très proche des conclusions de l’enquête parlementaire de 2013 sur la sidérurgie et qui reste plus que jamais d’actualité.
Montreuil, le 06 juin 2017.