La loi Travail a été l’occasion de (re)mettre sur le devant de la scène un droit garanti par la Constitution : le droit à la négociation collective. Exercée à divers niveaux par différents interlocuteurs, la négociation collective a pour corollaire la hiérarchie des normes et le principe de faveur. C’est à ces derniers que s’est attaquée la loi El Khomri sous prétexte de favoriser la négociation au plus près du besoin, l’entreprise. Dans ce bousculement sans précédent, petit focus sur un niveau de négociation qui a moins fait parler de lui en 2016 mais auquel la loi a reconnu un statut particulier : l’accord de groupe.
C’est quoi un accord de groupe ?
Qui le négocie ?
Un groupe est constitué d’une entreprise dominante et des entreprises qu’elle contrôle ou sur lesquelles elle exerce une influence dominante. Cette définition large conduit parfois à regrouper des sociétés dont les activités ou les productions sont très diverses.
L’accord de groupe peut quant à lui inclure tout ou partie des entreprises qui composent le groupe. Ce sont les parties qui fixent dans l’accord son périmètre d’application.
C’est la loi du 4 mai 2004 qui a institutionnalisé l’existant et reconnu légalement ce niveau. Un nouveau mandat est alors créé : le coordonnateur syndical de groupe. Chaque organisation syndicale représentative à l’échelle du périmètre d’application de l’accord peut désigner un ou plusieurs coordonnateurs syndicaux de groupe, choisis parmi les délégués syndicaux. Le coordonnateur ne dispose pas d’un mandat pérenne. Ainsi, il est désigné pour une négociation particulière et son mandat prend fin lors de la conclusion de l’accord. Le coordonnateur ne dispose pas de crédit d’heures. Bien entendu, cette situation légale à minima peut être améliorée par la voie conventionnelle. Côté patronal, c’est l’employeur de la société dominante qui est en charge de négocier mais il peut confier ce mandat à un des employeurs compris dans le périmètre de l’accord. Il doit préalablement informer les syndicats représentatifs dans les entreprises du groupe de l’ouverture de négociation.
Quels sont les thèmes de négociation ?
Toutes les négociations prévues à l’entreprise par le Code du travail peuvent être menées au niveau du groupe dans les mêmes conditions et un accord de méthode à ce niveau peut dispenser les entreprises d’engager elles-mêmes des discussions. De plus, dès lors qu’un accord de groupe remplit les conditions prévues par la loi cela dispense également les entreprises de négocier à leur tour.
C’est dire la faculté immense pour l’employeur d’adapter le niveau de discussion à l’état du rapport de forces. C’est aussi le moyen d’éloigner la négociation du collectif de travail.
Comment l’accord est-il validé ?
L’accord de groupe est soumis aux mêmes règles de validation que l’accord d’entreprise :
– Signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives lors des dernières élections ;
– Ou signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives avec consultation des salariés.
L’appréciation de la représentativité syndicale diffère selon que le périmètre des entreprises comprises dans le champ de l’accord ou non à celui d’un accord conclu au cours du cycle électoral précédant l’engagement des négociations :
– Périmètre identique : représentativité mesurée par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises, soit pour le cycle en cours lorsque les élections se sont tenues à la même date, soit lors des dernières élections du cycle précédent lorsqu’elles se tiennent à des dates différentes.
– Périmètre de l’accord différent : représentativité mesurée par addition de l’ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections organisées dans les entreprises incluses dans le périmètre de l’accord.
Les militants des coordinations de groupe le savent bien, il est essentiel de bien tenir à jour les résultats électoraux de toutes les entreprises composant le groupe.
Quelle place dans la hiérarchie des normes ?
La loi El Khomri a fait le choix de « donner une place centrale à la négociation d’entreprise pour créer une véritable culture du dialogue social ». Ainsi priorité est donnée à la négociation d’entreprise par rapport à la loi et à la branche pour le volet durée du travail et congés. Logiquement, la loi aurait du également faire prévaloir le niveau entreprise sur le niveau groupe. Que nenni ! Elle permet aux employeurs de choisir le niveau de négociation et ainsi «squizzer» les syndicats dans les entreprises où elles seraient plus fortes. Partout, nous devons être vigilants à ne pas laisser le droit à la négociation collective être éloigné et détourné des salariés qui en sont les titulaires.