Tour d’horizon dans les pays Européens – Témoignages
Portugal
Rogerio Silva (Secrétaire Général Fiequimetal CGTP)
« Il est intéressant de voir la situation du Portugal avant et après l’arrivée de la troïka au Portugal. La dette du pays, par rapport au PIB, a explosé après l’arrivée de la Troïka dans le pays. Dés le début de la crise, la consommation a commencé à chuter.
Les Portugais souffrent. Le pays est devenu très dépendant des fi nancements extérieurs. 75 milliards d’euros ont été prêtés au Portugal, dont les intérêts représenteront 38 milliards d’euros. La situation portugaise est fortement liée à l’augmentation du chômage (1,3 million de chômeurs réels sur 4,3 millions d’actifs) et à la baisse de la consommation interne (les salaires ont baissé de 30% dans le secteur manufacturier). Toutes les grandes augmentations de salaires ont été obtenues grâce à de grandes luttes. Il n’y a pas de création d’emplois au Portugal. Il est impossible de créer de l’emploi en détruisant l’industrie. Le secteur des services de l’automobile est en totale déconfiture… Chaque jour des garages ou des concessions ferment. En même temps, les grandes multinationales qui interviennent au Portugal ont augmenté leurs profits. »
Belgique
Michael Venturi (MWB FGTB)
« Nous venons de vivre 4 années de crise en raison de la crise du capitalisme qui est partie de la bulle financière des Sub-primes. Le sauvetage des banques par les Etats a lourdement endetté les comptes publics de ces pays. Les grandes entreprises ne sont que très peu taxées et continuent à faire d’énormes bénéfices. Pour exemple, ARCELORMITTAL a fait 2,2 milliards d’euros de bénéfices et n’a payé que 586 euros d’impôts. Toutes ces exonérations coutent à l’Etat belge 6 milliards d’euros par an.
Le renflouement des banques a coûté aux contribuables belges 340 milliards d’euros, soit un an de PIB ! Le taux d’endettement du pays, qui était de 93% au début de la crise en 2007, est aujourd’hui à près de 100%. Le chômage a augmenté et se situe aujourd’hui à 8,3% de la population active (4% en Flandres et 12% en Wallonie). Actuellement, 200 millions d’européens n’ont plus les moyens de consommer et c’est ce qui plombe les débouchés malgré des salaires soi-disant élevés. Donc les salaires ne sont pas un problème pour les exportations. La rentabilité de l’entreprise continue d’augmenter. On assiste, dans le même temps, à des destructions d’emplois, à une productivité en hausse et la diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Pour la première fois en 2013, le gouvernement ne veut pas rendre obligatoire l’augmentation des salaires en fonction de l’inflation (système d’indexation des salaires), ce qui représenterait une augmentation générale des salaires de 0,3% dans le pays. Les budgets de l’Etat ont été diminués de 11 milliards d’euros. On veut désormais raccourcir le versement des allocations chômage et les rendre dégressives. La flexibilité a été augmentée. Le volant des heures supplémentaires a été porté à 180 heures annuelles et leur utilisation par l’employeur ne nécessite pas l’avis des syndicats. Les résultats nets sont en constante progression et les dividendes versés aux actionnaires également. Le nombre de millionnaires en Belgique est passé de 67 000 à 72 000 en un an ! »
Italie
Sabina Petrucci (FIOM CGIL)
« C’est la 5e année de crise. Le PIB a perdu 2,5%. Le taux de chômage offi ciel est de 11,1%. Mais il est réellement beaucoup plus élevé. Le taux de chômage des jeunes est de 38,7% et près de 58% dans le sud de l’Italie. Il y a 3,5 millions de précaires. La consommation a baissé de 3% l’année dernière. La dette du PIB représente aujourd’hui 125% du PIB et les taux d’intérêts sont à 6%. 9 à 10 milliards de personnes vivent dans la pauvreté. 5 lois d’austérité ont été adoptées dans les 16 derniers mois afin d’appliquer les mesures d’austérité européennes et économiser 100 milliards d’euros. Le taux de taxation sur les salaires est de 47%. Les salaires des fonctionnaires ont été gelés pendant 4 ans. La TVA a augmenté de 2 points. Une réforme du marché du travail a libéralisé les licenciements et les a rendus moins chers pour les employeurs.
L’âge de départ à la retraite est 70 ans. Aucune lutte de la corruption (estimée à 600 millions d’euros) et de la fraude (estimée à 200 milliards d’euros) n’a été initiée alors que celle-ci est énorme en Italie. Toutes les mesures ne touchent que les salaires et les retraites. Malgré les pertes d’emplois dans le secteur de la métallurgie et les accords de FIAT qui ont exclu la représentation de la FIOM dans les usines italiennes, l’organisation n’a perdu que peu d’adhérents (2009 = 363 559 ; 2012= 357 200).
La FIOM demande une nouvelle loi sur la représentativité. »
Royaume-Uni
Simon Dubbins (UNITE)
« UNITE couvre 24 secteurs d’activité et a 1,2 million d’adhérents dont 350 000 dans l’industrie. M. Thatcher a été l’une des premières à mettre en place des politiques néolibérales avec la privatisation de tous les secteurs publics. 50% des adhérents des syndicats ont été perdus pendant la période de terreur de Thatcher. Aujourd’hui, il y a environ 2 millions de travailleurs dans l’industrie. Son successeur n’a pas changé la politique néolibérale qui avait été mise en place. Notre économie est devenue très dépendante des secteurs financiers et des services. Quand la crise est arrivée, les conséquences ont été dévastatrices sur l’économie. Notre premier ministre conservateur a mis en place des plans d’économie drastiques. Les causes de la crise sont utilisées pour approfondir les politiques néolibérales. C’est un gouvernement de riches, pour les riches et au profit des riches. Les coupes budgétaires sont tellement importantes que celles faites par Thatcher apparaissent aujourd’hui comme celles d’une amatrice. Les services de santé ont été privatisés comme les services de polices, et bientôt les prisons. Ils ont coupé des heures de délégations dans le secteur public. C’est très certainement le pays où les droits syndicaux sont les plus faibles en Europe. Il y a des projets pour virer des familles à faibles revenus de Londres et les déplacer à plusieurs centaines de kilomètres de la capitale.
Le Royaume-Uni est dans une 3ème récession. Même le FMI dit que les coupes ont été trop importantes. Les entreprises font des gros bénéfices mais n’investissent pas. Les salaires ont baissé de près de 15% au cours des 3 dernières années. Nous essayons d’organiser une nouvelle journée d’actions cette année. Il y a eu beaucoup d’émeutes de jeunes l’année dernière en raison de coupes budgétaires sur les services sociaux chargés de s’occuper d’eux. Cela ne m’étonnerait pas que cela se reproduise cet été. UNITE mène actuellement une grande campagne de syndicalisation à travers le pays. Nous disposons de 700 bureaux à travers le pays et 200 personnes s’occupent à temps plein de la syndicalisation. Nous menons également une campagne «un salaire pour vivre», et nous avons précisé nos demandes, pour le futur gouvernement, sur la mise en place d’un salaire minimum et obtenir la liberté d’action syndicale et le droit de grève. Enfin, le Premier ministre britannique veut organiser un référendum sur l’Europe et UNITE devra se battre afin de ne pas sortir de l’Union européenne. »
Grèce
Yannis Stefanopoulos (Président POEM)
« Les salaires des travailleurs ont fortement baissé et les produits des industries lourdes sont devenus compétitifs. Le chiffre officiel du chômage est de 25%, mais en réalité il est beaucoup plus important. Il y a des familles ou aucune personne ne travaille. Le chômage des jeunes est à 60% ; celui des femmes est à 40%. Certains travailleurs ne travaillent que quelques heures par mois et sont considérés comme des travailleurs et non des chômeurs. La TVA est à 23%. Tous les jours il y a une nouvelle taxe. La seule chose sur laquelle il n’y a pas de taxe c’est l’air que l’on respire. Qui paie pour tous ces plans ? Il y a 30 taxes sur une maison ! Il n’y a plus de gouvernement autonome en Grèce. La troïka gouverne le pays avec l’Allemagne. Il n’y a pas d’espoirs pour les jeunes. Toute la force vive du pays émigre vers tous les continents. Seuls les syndicats représentent des alternatives aux politiques menées. Toutes les conventions collectives ont été dénoncées en Grèce le 14 février dernier, à la demande de la troïka !
Les employeurs sont prêts à négocier mais avec une coupe de 30% dans les salaires. Si aucune convention n’est conclue dans les 3 mois, ce sont les conventions individuelles qui prévaudront ! Par ailleurs, on peut conclure des conventions d’entreprises qui dérogent aux conventions collectives sectorielles… même dans les entreprises qui n’emploient que 2 ou 3 salariés, sans syndicat ! Le fascisme augmente en Grèce avec un parti néo-nazi qui est à 12% des intentions de votes. Les gens ne sont pas fascistes, mais le désespoir mène à un sentiment de vengeance contre le système et donc peut mener à l’extrémisme.
Le FMI est venu en Grèce pour dire qu’il s’était trompé dans son calcul et que l’austérité mènerait à plus de problèmes… Ce sont les pauvres qui paient et tous les riches ont sorti leur argent de Grèce. Il n’y plus d’argent et nous ne pouvons pas investir dans les travaux publics. La situation est tragique. Nous continuons le combat et nous ne sommes pas prêts à arrêter. Depuis 2010, 27 grèves générales interprofessionnelles ont été organisées, auxquelles il faut ajouter 10 de plus pour le seul secteur de la métallurgie. Ce programme est criminel ! Toute une génération a été sacrifiée et celle d’après a été hypothéquée. Toute une génération émigrera ou vivra dans une situation de misère.
Qu’a-t-on fait à l’Europe pour qu’elle se venge sur nous ? C’est la main invisible du marché qui régule le monde du travail… mais ce n’était pas une main invisible mais un coup de poing ! La seule chose que nous avons à perdre dans notre combat ce sont nos chaines ! Enfin, je souhaite informer que je suis passible de prison avec 12 autres camarades en raison d’une manifestation que nous avons organisée devant le ministère de la défense afi n de lutter pour les chantiers navals de Scaramanga pour toucher nos salaires. Mon procès aura lieu le 1er octobre prochain à Athènes. »
Luxembourg
Jean Luc Benardini (OGBL)
« Le PIB du Luxembourg continue à progresser mais à un rythme moins soutenu. Il a augmenté de 2% en 2011. Il n’y avait pas de dette publique avant 2008 ; depuis lors, elle est passée à 18% du PIB en raison du financement des banques. Les réserves des caisses de retraites représentent 27% du PIB. Bruxelles considère ces réserves comme une dette. L’âge de départ à la retraite a été reculé de 3 ans et les pensions ont été amputées de 15%. Le chômage représente 8% de la population active, alors qu’il était de 2% en 2008. Les salaires ont diminué et la part de ces derniers dans la valeur ajoutée a également reculé. Dans le même temps, les dividendes ont augmenté. Le salaire minimum est de 1 874 €. Le taux de pauvreté est de 19%. La population active représente 320 000 personnes dont 150 000 frontaliers venant de Belgique, France et Allemagne.
Et ailleurs
Les pays Nordiques (Danemark, Suède, Norvège, Finlande) subissent aux aussi le chômage des jeunes de moins de 25 ans. Avec cette particularité que la flexisécurité, tant vantée, est source aujourd’hui de blocage pour les jeunes diplômés. Ainsi, 40% des jeunes ingénieurs sont au chômage.
En Allemagne, la chambre haute du parlement a ratifié, en début d’année, un niveau de salaire mini par banche. C’est un premier pas dans la mise en oeuvre d’un salaire minimum dans le pays.
Les pays de l’Est de l’Europe s’engagent comme jamais dans la lutte contre l’austérité.
Plus de 100 000 Polonais salariés des services publics ont protesté, lors d’une grève dans le sud du pays. Dans le Sud-ouest, en Silésie, à plus de 70%, les salariés de plus de 600 entreprises, mines, écoles ont voté pour la grève contre les mesures d’austérité.
En Slovénie, les manifestations qui duraient depuis novembre dernier et qui s’amplifiaient chaque jour ont contraint le gouvernement à démissionner.
La situation est la même en Bulgarie où le parlement est dissout et des législatives anticipées sont convoquées pour le 14 mai prochain. En Roumanie, ce sont les salariés de Dacia qui réclament une hausse de leur salaire de 25%…