Le 29 juin dernier, profitant des ordonnances Macron, l’UIMM, la CFDT, FO et la CGC ont conclu deux accords nationaux immédiatement applicables.
Précarité à perpétuité
Deux accords pour accentuer un peu plus encore la précarité des salariés dans les entreprises de la métallurgie avec d’un côté la mise en œuvre du contrat de chantier et de l’autre, la possibilité d’enchaîner les CDD ou les contrats d’intérim de 18 mois avec seulement 21 jours calendaires de carence entre deux. Pour mémoire, aujourd’hui dans le Code du travail, après 18 mois en CDD ou intérim, il n’est pas possible d’établir un nouveau contrat avant l’expiration d’un délai de carence égal à 1/3 de la durée du contrat (renouvellement compris) soit 6 mois ! C’est la porte ouverte et désormais libre et sécurisée (pour les employeurs bien sûr) à une utilisation sans limite de ces contrats précaires.
Ajoutons à cela le contrat de chantier ou d’opération et le patronat de la métallurgie dispose de tous les outils de la précarité. Ce contrat n’a de CDI que le nom puisque son échéance est connue dès sa conclusion : la fin du chantier ou de l’opération pour lequel il a été conclu, moyennant une indemnité de rupture. S’il est conclu pour une durée minimale (au moins 6 mois), il peut être rompu plus tôt que la date initialement envisagée, en cas de non réalisation ou de cessation anticipée du chantier. Le contrat de chantier constitue l’outil parfait pour que l’employeur puisse disposer quand il en décide, de la main d’œuvre nécessaire, sans avoir à supporter l’incertitude du lendemain qui est intégralement reportée sur le salarié.
Une nécessaire réaction d’ampleur
Engager la bataille pour éradiquer la précarité n’est pas une mince affaire tant il peut être aisé pour l’entreprise de dresser les salariés embauchés contre l’engagement de la CGT pour les emplois stables, en leur faisant croire que l’utilisation des contrats précaires les protègerait des aléas économiques de l’activité (baisse de charges, commandes annulées…). A nous de leur faire comprendre que l’exploitation massive de travailleurs précaires reste d’abord et avant tout un frein au progrès social, à l’augmentation des salaires et à l’amélioration des conditions de travail pour tous.
Il nous faut réaffirmer haut et fort notre opposition à l’utilisation des contrats de chantier, notamment à l’occasion des réunions de CE/CSE et dans nos infos syndicales adressées aux salariés. Retrouver la nécessaire attractivité de nos métiers pour recruter durablement des salariés qualifiés et ainsi investir pour l’avenir de nos industries passe par l’embauche en CDI, pas par le contrat de chantier.
Quant aux CDD et à l’intérim, nonobstant le passage en CSE, les élus du personnel ont conservé leurs prérogatives antérieures sur ces sujets. Ainsi, l’information trimestrielle sur l’évolution des effectifs en fonction des différents contrats de travail demeure dans les entreprises de plus de 300 salariés (L2312-69 et R2312-21), tout comme la consultation annuelle sur la politique sociale des entreprises de moins de 300 salariés intègre toujours le sujet des contrats précaires. L’accès au registre unique du personnel a également été transféré au CSE (L1221-15). C’est une source d’informations non négligeable sur la situation du salariat dans l’entreprise. De plus, le CSE a conservé une prérogative importante : le droit d’alerte en matière d’emploi précaire (L2312-70). La majorité des élus au CSE peut porter de plein droit le sujet à l’ordre du jour d’une réunion ordinaire en cas d’accroissement important des CDD ou de l’intérim. L’employeur est alors contraint de s’expliquer.
Parallèlement, le CSE garde aussi la possibilité de saisir l’inspection du travail (L2312-71) quand il a connaissance d’une utilisation abusive de ces contrats. L’inspecteur pourra effectuer les constatations nécessaires qu’il transmettra à l’employeur. Ce dernier fournira aux représentants du personnel le rapport de l’inspection ainsi que sa réponse et les éventuelles mesures qu’il compte mettre en œuvre pour résorber la précarité.
C’est une prérogative importante que nous avons trop souvent délaissée par la passé. Gageons qu’avec les mauvais coups portés par l’UIMM, ce droit d’alerte retrouvera de sa superbe et sera déployé par les élus CGT pour éradiquer enfin la précarité.