21 février 1944. Peu après 15 heures, les salves résonnent dans les fosses du fort du Mont-Valérien, à l’ouest de Paris. Vingt-deux combattants des FTP-MOI de la région parisienne viennent d’être fusillés par les nazis. À la tête de ce groupe se trouve un communiste arménien, Missak Manouchian.

Arrivé en France en 1924, à l’âge de 18 ans, ce poète rescapé du génocide en Arménie travaille d’abord aux chantiers navals de la Seyne-sur-Mer dans le Var, avant de monter à Paris et d’être embauché quelque temps comme tourneur chez Citroën. Son adhésion en 1934 au PCF et son action dans le Comité de secours pour l’Arménie scellent son engagement militant et antifasciste. Sous l’Occupation, il rejoint la résistance armée en février 1943 avant d’être affecté, quelques mois plus tard, au triangle de direction des FTP-MOI de la région parisienne.

Les FTP-MOI, fer de lance de la lutte armée contre l’occupant nazi

Les Francs-tireurs et partisans – Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI), constitués en 1942, sont une des organisations armées mises en place par le PCF pour lutter contre l’occupant allemand. Ils sont héritiers des structures de la Main d’œuvre étrangère (MOE) puis de la MOI mises en place par le PCF et la CGTU dans les années 1920. Organisées en « groupes de langue », elles rassemblent sur une base linguistique les travailleurs immigrés et les réfugiés politiques, auprès desquels elles diffusent du matériel de propagande en langue étrangère.

Pour nombre de ces militants étrangers, dont plusieurs ont fait l’apprentissage des armes dans les Brigades internationales en Espagne, la participation à la lutte armée sur le sol français s’inscrit dans la continuité de leur combat antifasciste. En région parisienne, les FTP-MOI, qui groupent moins de 70 combattants, ont à leur actif 229 actions contre les Allemands. Parmi ces faits d’armes, on compte de nombreuses attaques à la grenade, des sabotages de lignes de chemins de fer ainsi que des exécutions d’officiers nazis.

Le procès de « l’Affiche rouge »

À l’issue de plusieurs mois de filatures par les brigades spéciales, une unité de police spécialisée dans la traque des résistants, l’ensemble du réseau tombe en novembre 1943. Livrés aux autorités allemandes, les 23 membres du groupe Manouchian sont condamnés à mort le 18 février. Ils sont fusillés trois jours plus tard, à l’exception de Golda Bancic, seule femme du groupe, qui sera exécutée en Allemagne le 10 mai 1944.

Lors du procès à grand spectacle, les Allemands font placarder dans les rues la célèbre « Affiche rouge », avec les portraits des « terroristes ». Mais la campagne de propagande antisémite, xénophobe et anticommuniste ne prend pas et se retourne contre ses auteurs.

« Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant »

Ces combattants internationalistes, d’origine italienne, polonaise, hongroise, espagnole, roumaine ou arménienne, ont versé leur sang pour libérer la France de l’occupant. « Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement », écrit Missak Manouchian dans sa dernière lettre à Mélinée, son épouse. Si les poèmes de Paul Eluard ou de Louis Aragon, chanté par Léo Ferré, ont célébré le sacrifice des membres de « l’Affiche rouge », l’apport des étrangers dans la Résistance a longtemps été occulté.

Quatre-vingts ans plus tard, Missak et Mélinée Manouchian ont fait leur entrée au Panthéon le 21 février 2024. Nul n’est dupe devant cette décision d’Emmanuel Macron qui entre opportunément en contradiction avec la loi stigmatisant les immigrés qu’il a faite adopter, dans le même temps, avec l’extrême droite. Mais il était temps de rendre l’hommage mérité de la Nation à cet ouvrier, communiste, étranger et résistant.

Corentin Lahu, historien et archiviste de la FTM-CGT