Parmi les coups assénés par le tandem Macron-Philippe, il ne faut pas sous-estimer celui frappant la formation professionnelle. Le « big bang » promis par la loi adoptée en septembre dernier se traduit par une réduction des droits à formation, la fin du congé individuel de formation et une subordination accrue aux desiderata des entreprises.

Cette offensive ne peut être analysée – et combattue – en faisant abstraction de la vaste opération de déstabilisation des droits collectifs en cours : assaut mené contre les qualifications et les classifications, privatisation rampante de l’enseignement supérieur et du service public de la formation continue, remise en cause du cadre national des diplômes. Tout est lié ! Gouvernement comme patronat entendent porter un coup fatal à notre modèle social.

Des racines profondes

Jusqu’au début du XIXe siècle, la formation des ouvriers est assurée par l’apprentissage corporatif, au sein de l’artisanat ou du compagnonnage. L’essor du capitalisme entraînant des besoins nouveaux, l’État favorise l’émergence d’un salariat d’encadrement et de gestion avec la création de l’enseignement technique, tandis que d’autres initiatives, confessionnelle, éducative ou syndicale proposent des cours de formation ou de perfectionnement pour adultes.

La loi Astier (1919) instaure des cours professionnels de masse gratuits et obligatoires, à l’impact toutefois incertain, malgré la création en 1925 de la taxe d’apprentissage pour les financer. Durant les années trente, la formation professionnelle élargit son public aux privés d’emplois, avec la création d’écoles spécifiques par le patronat, mais également par les métallos CGT : celle de l’impasse de la Baleine à Paris forme ainsi un millier de chômeurs en deux ans et réalise un prototype d’avion de course, le MH-20 (https://ftm-cgt.fr/1524-2/).

Le régime de Vichy laisse en héritage les centres d’apprentissage et le monopole étatique de délivrance des diplômes d’enseignement technique. La Libération, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et de qualifications, inscrit le droit à la formation professionnelle dans la constitution et impulse ce qui deviendra l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Dans les années qui suivent, l’organisation de l’enseignement technique évolue. Le patronat, s’il délègue bien volontiers cette mission à l’État, défend ses intérêts et évite toute mise à contribution financière. Les rares exceptions reposent sur l’existence, dans certaines entreprises comme la Snecma, la CGE ou Renault, d’actions pour améliorer la productivité et adapter la main-d’œuvre aux évolutions techniques.

Des droits à défendre !

À la suite du constat de Grenelle de 1968, une âpre négociation s’ouvre en 1969 pour déboucher en juillet 1970 sur un accord fondateur, repris par la loi en 1971. Elle consacre le droit de regard du comité d’entreprise, ainsi que le congé formation qui offre au salarié la possibilité d’effectuer une formation sur son temps de travail avec une prise en charge financière. Le patronat est contraint d’abonder des fonds d’assurance formation (FAF), devenus Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) en 1993.

Les décennies suivantes sont marquées par des avancées comme la liberté de choix du salarié de ses formations (1978), la hausse de la cotisation patronale ou la création de la validation des acquis de l’expérience (2002). Mais aussi par des reculs, avec la création du « droit » – à la merci de l’employeur – individuel à la formation (2003), remplacé par le compte personnel de formation (2014). Malgré les coups, on ne baissera pas les bras !