Le quotidien de l’archiviste n’est pas toujours reluisant. Confronté à des monceaux d’archives drapés d’une fine – et noire – poussière accumulée par des années de sommeil dans les magasins, il nous arrive parfois d’avoir le sentiment de ne jamais pouvoir en venir à bout. Heureusement, certains jours sont marqués par la découverte de petits joyaux, d’objets dont la charge émotionnelle et historique ne fait aucun doute.
Tel a été le cas cet été, lors d’une opération de déménagement menée en prévision de l’installation prochaine des nouveaux magasins à rayonnages mobiles. Après avoir déplacé des boîtes d’archives récentes du secteur fédéral de la formation syndicale, il est apparu une étoffe rouge, jusqu’alors inaccessible aux regards.
Enthousiasme garanti ! Immédiatement retiré du fonds de la tablette où il reposait, le morceau de tissu s’avère être un drapeau monté sur une hampe. Déposé délicatement sur une table puis déroulé, l’objet révèle son identité : « Section syndicale des métaux Dunlop Le Bourget CGT FSI ».
Ces quelques éléments devraient nous permettre d’en préciser l’ancienneté.
Le sigle de la Fédération Syndicale Internationale (FSI) est une indication précieuse. Celle-ci est fondée en juillet 1919. Mais les tensions nées des suites de la Première Guerre mondiale et de la Révolution russe entraînent une scission à l’échelle internationale avec la création de l’Internationale Syndicale Rouge (ISR) en juillet 1921.
En France, l’exclusion de la minorité révolutionnaire de la CGT en 1921 entraîne la mise sur pied de la CGT Unitaire (CGTU) en 1922, rattachée à l’ISR. Dans la métallurgie parisienne, l’essentiel des militants rejoignent les unitaires, tandis que la CGT ne conserve que le syndicat des instruments en chirurgie.
Lors de la réunification du mouvement syndical français en 1936, la CGT maintient son adhésion à la FSI qui disparaît en octobre 1945 avec la création de la Fédération Syndicale Mondiale (FSM).
Précisons. Si l’on en croit l’article de Pol Ravigneaux paru dans la Gazette Dunlop n° 126 de février 1931, l’usine du Bourget voit le jour à cette date.
Le dépouillement de la presse quotidienne sur le site internet Gallica donne peu d’éléments, à l’exception d’un témoignage ouvrier sur les conditions de travail en novembre 1935 et le signalement d’une grève en juin 1936. Mais compte tenu de l’explosion des effectifs syndiqués dans la métallurgie à l’occasion du Front populaire (de 10 000 en 1935 à 250 000 fin 1937), on peut vraisemblablement dater ce drapeau dans une période comprise entre les grèves de l’été 1936 et le déclenchement de la guerre en septembre 1939.
Bien évidemment, nous vous tiendrons informés des résultats obtenus par les recherches en cours sur l’histoire du syndicat et par les éventuels projets de restauration et de sécurisation.