En 1925, Walter n’est âgé que de quarante jours lorsqu’il arrive en France dans les bras de ses parents, de sensibilité communiste, qui fuyaient La Spezia, un port de construction navale en Italie, alors en proie à la montée du fascisme et à la répression des militants progressistes. Alfredo, son oncle maternel, a ainsi été assassiné par les milices fascistes. Ils s’établissent, comme une vingtaine d’autres familles originaires de la même ville, à Penhöet, commune de Saint-Nazaire (Loire-Inférieure, Atlantique aujourd’hui). Sa mère s’installe comme couturière, son père travaille aux Chantiers navals.
En 1936, il n’hésite pas à faire l’école buissonnière pour retrouver son père qui occupe avec les autres ouvriers les Chantiers et jouer de l’accordéon pour soutenir le moral des grévistes. C’est son instituteur qui l’avait encouragé à jouer de cet instrument. Il témoigne, lors d’un entretien avec Louise Canette pour son mémoire de master II d’histoire portant sur Les enfants d’immigrés italiens dans les écoles françaises (1935-1955) : « Les origines politiques de mes parents, même s’ils n’en faisaient pas état en France pour des raisons évidentes, m’ont marquées. Les grèves de 1936 et l’avènement du Front populaire ont été à l’origine de mes options politiques et syndicales, avec des responsabilités syndicales très importantes, y compris nationalement. » Trois ans plus tard, il entre en apprentissage comme chaudronnier aux Chantiers et adhère naturellement à la CGT. Les bombardements sont nombreux durant la guerre et en novembre 1942, l’école d’apprentissage est particulièrement touché. Plus de cent apprentis et moniteurs furent tués. Il en réchappe et achève son apprentissage avec la mention « très bien ».
Après la guerre, il reprend le travail mais cette fois-ci comme dessinateur au bureau d’étude, pour cause de maladie. Il est alors « collecteur » de cotisations syndicales, avant d’être élu délégué du personnel en 1953 et membre du comité d’établissement l’année suivante.
En 1958, adhérent du parti communiste français depuis la Libération, il est arrêté, car étranger, alors qu’il colle des affiches appelant à voter « non » au référendum soumis par De Gaulle sur la constitution de la Ve République. Quelques semaines plus tard, de peur de représailles contre lui et l’organisation syndicale, il cède sa place d’élu à Jean Lescure.
Au printemps 1960, il rencontre Henri Fabiani, un réalisateur de courts métrages consacrés au monde du travail comme Les Hommes de la nuit (1950) ou Tu enfanteras sans douleurs (1956) dont le thème est la méthode développée par Fernand Lamaze au sein de la polyclinique des métallurgistes. Celui-ci effectue des repérages pour son long métrage, Le bonheur est pour demain, et Walter Buffoni se charge de le guider à Saint-Nazaire, La-Chapelle-des-Marais, Saint-Joachim et au Croizic, communes où résidaient les salariés de la construction navale.
En 1964, Walter Buffoni et Jean Lescure mettent sur pied le syndicat des employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise (ETDA) de la métallurgie nazairienne, permettant de développer le syndicalisme CGT parmi ces catégories. C’est l’action de ce syndicat qui permit de construire les revendications et d’aboutir à la célèbre grève des « mensuels » de Saint-Nazaire en 1967. Victorieux, ce conflit imposa une grille de classification nationale, toujours en vigueur, pour l’essentiel. Il faut voir l’acharnement que met l’UIMM, le patronat de la métallurgie, à vouloir la détruire pour en mesurer la portée.
En octobre 1976, les Chantiers de l’Atlantique fusionnent avec le groupe Alsthom, pour renflouer ce dernier, déjà en difficultés à cette époque. Il devient secrétaire du comité central d’entreprise jusqu’à son départ en retraite en juin 1980.
Membre de la commission exécutive de l’Union départementale CGT de Loire-Atlantique, membre du bureau de l’Union locale de Saint-Nazaire, il rejoint alors le syndicat des retraités de la métallurgie. Il devient membre du conseil national de l’Union fédérale des retraités de la métallurgie de son premier congrès en 1983 jusqu’en 1992. Il est membre, durant cette période, de la commission financière de contrôle.
En octobre 2012, il intervenait sur les comités d’entreprise au colloque organisé à Saint-Nazaire par les Instituts CGT d’histoire sociale de Loire-Atlantique et de la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie sur Ambroise Croizat, en présence de sa fille Liliane Caillaud-Croizat. Evoquant la période comprise entre 1944 et 1947, il rappelait : « Retenons en définitif que les comités d’entreprise ont été institués après des efforts inlassables de la CGT dans une période d’essor du mouvement ouvrier et démocratique, à un moment où la classe ouvrière obtenait de nombreuses conquêtes sociales. Elle était unie, disposait de syndicats puissants et était représentée au gouvernement. »
Son engagement débordait le syndicalisme et la politique, puisqu’il est à l’origine du premier syndicat des locataires de Saint-Nazaire, qui deviendra plus tard la Confédération Nationale du Logement (CNL), mais également de Francitalia, une association créée en 2000 pour regrouper les italiens de Saint-Nazaire, entretenir la mémoire et développer des échanges culturels et sportifs avec l’Italie.
Louis Dronval, ancien secrétaire du syndicat UFICT des Chantiers de l’Atlantique, ancien membre de la direction nationale de l’UFICT et aujourd’hui membre du conseil national de l’UFR et du conseil d’administration de l’IHS Métallurgie, en évoquant sa mémoire, emploie ces mots : « Italien, communiste, cégétiste, il le restera jusqu’au bout », tout en soulignant : « C’est un plaisir pour moi de l’avoir eu comme formateur, dans ce qui s’appelait à l’époque stage de base, stage moyen. Mais aussi sur le terrain aux bureaux d’études des chantiers de l’Atlantique. Ses références étaient le marxisme, la lutte de classe, le rapport de force. Ce sont ces concepts qu’il transmettait aux stagiaires comme dans la vie quotidienne. Ces valeurs font de lui un humaniste reconnu de tous. Je gage que tous ses amis et camarades sauront faire fructifier sa mémoire. »
Il nous a quittés le 10 mai 2019, à l’âge de 94 ans.
Emeric Tellier et Louis Dronval