L’entrée dans la Guerre froide en 1947 marque un tournant. La lutte pour la paix, contre la guerre française en Indochine puis en Algérie, contre le réarmement de l’Allemagne ou la création d’une Communauté Européenne de Défense (CED) bouscule les priorités syndicales. L’activité en direction des salariées de la métallurgie en pâtit, d’autant plus que la Fédération connaît une brutale désyndicalisation. Effleurant le million en 1946, le nombre d’adhérents n’est plus que de 236 000 en 1959.
Le repli
Madeleine Alloisio, de Berliet à Vénissieux (Rhône), ne mâche pas ses mots lors du congrès fédéral de 1954 : « Pouvons-nous prétendre être représentatifs au sein d’une corporation comme la nôtre, si nous négligeons une partie importante de celle-ci, que ce soient les femmes ou les [employés, techniciens, dessinateurs et agents de maitrise] ? »
Il y a bien des luttes, comme chez Fouga à Béziers (Hérault), où les salariées imposent en 1950 le nettoyage journalier des vestiaires ou aux Forges de Blagny (Ardennes) où elles arrachent des gants de protection peu après. Cinq ans plus tard, les salariées obtiennent des augmentations de salaires à la Radiotechnique de Suresnes (Hauts-de-Seine) et à la CIT de Tours. D’autres empêchent des licenciements aux Compteurs Garnier à Lyon. La journée du 8 mars est l’occasion de déposer des cahiers de revendications, faire signer des pétitions et susciter des débrayages.
Pourtant, les commissions féminines vivotent, comme à Bordeaux, à Paris ou à Limoges, faute d’investissement de la part des directions syndicales. Seules quelques-unes fonctionnent, comme celle animée par Georgette Chavanon à Lyon. L’enjeu est de taille. Les 300 000 femmes qui travaillent dans la métallurgie sont les premières victimes de la course à la productivité lancée par le patronat, qui se traduit par des licenciements, des réductions de salaires, l’accroissement des cadences.
Un nouveau souffle
La recherche de l’unité d’action syndicale et le choix de particulariser le programme revendicatif selon les branches professionnelles, les territoires et les catégories de salariés commencent à porter ses fruits avec la décennie 1960.
Les commissions féminines sont relancées, l’accent est mis sur la diffusion d’Antoinette, le magazine féminin de la CGT, tandis qu’une campagne est lancée pour la réduction du temps de travail, l’égalité et l’augmentation des salaires, la formation professionnelle et le renforcement des droits à la maternité. Cette dynamique nouvelle se traduit par la tenue, pour la seconde fois depuis 1951, d’une conférence nationale pour la défense et l’organisation des travailleuses de la métallurgie en février 1964.
Sur le terrain des luttes, la combativité s’affirme. En 1962, à la Compagnie générale des condensateurs à Tours, une grève de cinq heures suivie à l’unanimité permet d’obtenir une augmentation de salaires, tout comme à la SAFT à Bordeaux, après plusieurs débrayages. Fortes de ce succès, 200 salariées sur les 350 que compte l’usine, rejoignent la CGT. Les mobilisations ne faiblissent pas. En 1967, des victoires sont obtenues sur les salaires aux Fermetures Eclair au Petit-Quevilly (Seine-Maritime), chez Bailly-Comte à Genay (Rhône) ou Arthur Martin à Revin (Ardennes), sur la réduction du temps de travail chez Jeumont à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ou encore sur les qualifications à la SEV à Issy (Hauts-de-Seine) ou chez Philips à Paris.