Le postulat de la médecine du travail est exclusivement préventif. La mission du médecin du travail consiste à «éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».

C’est sur cette base qu’il ne peut pas, hors d’une situation particulière comme celle que nous vivons, prescrire. En effet, la prescription peut interférer sur la situation d’un salarié.

Lors de la consultation de médecine du travail,  le salarié est sous la subordination contractuelle de son employeur. Tous les actes du médecin du travail s’exercent dans ce cadre. Or, la prescription d’un arrêt de travail suspend le contrat de travail et sort donc du cadre juridique qui est celui des décisions du médecin du travail.

Ainsi, la visite de pré-reprise de travail tient compte de cette situation juridique particulière puisque, pour en transmettre les conclusions à l’employeur, le médecin du travail doit avoir l’accord explicite du salarié. Il en est de même quand une reprise présente un danger pour le salarié dans le contexte de pandémie. Et la visite de retour à l’entreprise, après le confinement, ne peut pas être une visite de sélection des salariés présumés les plus rentables parce que sans problème (les plus faibles seraient sortis).

Dès lors une décision d’arrêt de travail, a fortiori d’inaptitude, doit représenter une part très mince de l’activité du médecin du travail, car elle constitue un échec de l’adaptation du travail à l’homme. L’adaptation du poste aux besoins de santé doit être le moteur essentiel de la prévention en milieu de travail. Le maintien du ou de la salarié-e au travail et dans l’emploi est la priorité de l’action du médecin du travail. A titre d’exemple, dans le contexte actuel, l’exclusion de son poste, pour fragilité, d’un salarié en surpoids par un médecin du travail, c’est l’aveu de l’insuffisance des mesures de protection prises. Quand une centaine de salariés se retrouvent dehors, à la suite d’un tri effectué par le médecin, ce dernier est forcément sorti de son rôle (Peugeot…).

Préserver l’aptitude médicale à pouvoir être exposé à des risques ou le risque que présenterait tel travailleur pour les tiers de son environnement immédiat de travail, est une absurdité scientifique et éthique. La médecine prédictive individuelle n’existe pas. La médecine du travail n’a de sens que si elle sert les intérêts de la santé individuelle et collective des travailleurs.

Les services de santé au travail ne peuvent pas être des services hygiène sécurité de l’entreprise de prévention, « gérant les risques » pour les employeurs, ils n’auraient alors plus d’objet propre ni d’indépendance professionnelle.

Certes, la dernière  réforme (loi Travail)  oriente la médecine du travail vers la sélection de la main d’œuvre sur des postes à risques mais en temps que syndicalistes, on ne peut pas cautionner cette médecine de sélection, dont la crise permet une activation. C’est la cristallisation du débat entre vraie médecine du travail (ou de prévention) et une médecine d’entre- prise (ou de sélection).


Un décret du 11 mai 2020 (n° 2020-549) fixe les conditions temporaires de prescription et de renouvellement des arrêts de travail par le médecin du travail. Ainsi celui-ci peut prescrire un arrêt de travail :

  • Au salarié en cas d’infection au covid-19 ou suspicion d’infection (I de l’art. 2 de l’ordonnance 2020-386 du 1er avril 2020) ;
  • Ou aux salariés faisant l’objet de mesures d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile au titre des mesures prises en application de l’article L.16-10-1 du Code de la Sécurité sociale à l’exclusion des salariés devant garder leur enfant (4e alinéa du I de l’art. 20 de la loi 2020-473 du 25 avril).

Il établit donc une lettre d’avis d’interruption de travail selon le Code de la Sécurité sociale (L.321-2 et R.321-2).

Par dérogation, le médecin du travail établit une déclaration d’interruption de travail sur papier libre aux salariés se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler suivants (2e et 3e alinéa du I de l’art. 20 loi 2020-473 du 25 avril 2020) :

  • Personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ;
  • Personne qui partage le même domicile qu’une personne vulnérable au sens du deuxième alinéa du présent

Le médecin du travail a cette possibilité dès le 12 mai 2020, date de parution du décret, jusqu’au 31 mai 2020 (l’article 3 du décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020).