La  pandémie  du  Covid-19  réveille  l’appétit  des employeurs pour les données médicales des salariés. Ainsi, chez Peugeot et dans d’autres entreprises, on prend la température à la caméra thermique.

Chez Peugeot encore, le médecin du travail trie les « présumés faibles » (par exemple les gens en surpoids) et les exclut de l’entreprise.

Et chez SEB, la direction fait remplir des questionnaires sur la santé des salariés, complétés par des interrogatoires inquisitoires conduits par la maîtrise. Là-encore, on recherche les faibles, pas forcément malades, pour les éliminer.

Quelle légalité a ces méthodes et quelle efficacité ?

La santé du salarié relève de la sphère privée et du secret médical. On lit dans le « protocole national de déconfinement » du ministère du Travail :

« Le Haut Conseil de la santé publique rappelle, dans son avis du 28 avril 2020, que l’infection à SARS-CoV-2 peut être asymptomatique ou paucisymptomatique , et que la fièvre n’est pas toujours présente chez

les malades. De plus, le portage viral peut débuter jusqu’à 2 jours avant le début des signes cliniques. La prise de température pour repérer une personne possiblement infectée serait donc faussement rassurante, le risque non négligeable étant de ne pas repérer des personnes infectées. Par ailleurs, des stratégies de contournement à ce contrôle sont possibles par la prise d’antipyrétiques.

Toutefois, les entreprises, dans le cadre d’un en- semble de mesures de précaution, peuvent organiser un contrôle de la température des personnes entrant sur leur site. Dans le contexte actuel, ces mesures peuvent faire l’objet de la procédure relative à l’élaboration des notes de service valant adjonction au règle- ment intérieur prévue à l’article L.1321-5 du Code du travail qui autorise une application immédiate des obligations relatives à la santé et à la sécurité avec communication simultanée au secrétaire du comité social et économique, ainsi qu’à l’inspection du travail.

Tout en relativisant l’efficacité de la prise de température, le gouvernement cautionne cette pratique, moyennant des modifications du règlement  intérieur. En même temps, le ministère considère que : « la généralisation des tests ou de la prise de température en entreprise n’est pas recommandée. Leur usage, possible au cas par cas, doit obéir à des circonstances précises  et être encadré par un certain nombre de principes et pratiques explicités… » et surtout que les données ne peuvent pas être conservées.

Nous considérons que ces opérations sont sou- mises au secret médical. En effet, ces informations ne doivent pas sortir du bureau du médecin.

Quant aux informations sur la morphologie ou la santé de chaque salarié pour permettre une sélection, cela relève de l’eugénisme peu importe celui qui les réalise. Cette pratique s’intègre souvent dans une médecine de sélection. Elle est loin des principes de l’article L.4622-3 du Code du travail selon lequel « Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé, ainsi que tout risque manifeste d’atteinte à la sécurité des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail » et la CGT est attachée à ce que ce rôle ne soit pas dévoyé.

Le décret du 5/5/2020 (n° 2020-521 – voir encadré ci-dessous) définissant les fragilités ne peut pas servir d’alibi à un contrôle invasif de la santé par les directions. En tout état de cause, un agent de maîtrise (devenu médecin amateur) qui réalise de telles pratiques se met dans l’illégalité et serait susceptible d’engager sa responsabilité.

L’employeur, n’engage-t-il pas sa responsabilité ci- vile et pénale s’il prend des mesures créant une discrimination liée à l’état de santé du salarié même en période de crise sanitaire ?


Décret n°2020-521 du 5 mai 2020

La vulnérabilité mentionnée de l’article 20 de la loi du 25 avril 2020 susvisée répond à l’un des critères suivants :

1.-    Etre âgé de 65 ans et plus ;

2.-    Avoir des antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d’accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;

3.-    Avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;

4.-    Présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible  de  décompenser lors d’une infection virale : (bronchopneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d’apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;

5.-    Présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;

6.-    Être atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;

7.-          Présenter une obésité (Indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;

8.-        Être atteint d’une immunodépression congénitale ou acquise :

  • médicamenteuse : chimiothérapie anti-cancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppression,
  • infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3,
  • consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules-souches hématopoïétiques,
  • liée à une hémopathie maligne en cours de traitement ;

9.-    Être atteint de cirrhose au stade B du score de ChildPugh au moins ;

10.- Présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;

11.- Être au troisième trimestre de la grossesse.

Article 2

Les dispositions du présent décret s’appliquent à compter du 1er mai 2020, quelle que soit la date du début de l’arrêt de travail du salarié concerné.