Mise à jour avec l'ordonnance du 8 avril 2020

Adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle.

L’ordonnance s’inscrit dans le dispositif économique et social global mis en place par le gouvernement pour faire face à la crise sanitaire, tel que prévu dans l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. Elle fait partie des cinq ordonnances présentées au conseil des ministres le 1er avril.

Elle permet à la médecine du travail de reporter les visites médicales et les interventions en entreprise, au profit d’actions de lutte contre la propagation du Covid-19 dans les entreprises. Elle autorise également les médecins du travail à prescrire des arrêts de travail aux salariés infectés, et à organiser des dépistages.

Les services de santé au travail devront participer à la lutte contre le virus

  • En diffusant des messages de prévention auprès des employeurs et des salariés.
  • En aidant les entreprises à définir et mettre en œuvre les mesures de prévention contre le risque de contamination.
  • En accompagnant les entreprises dont l’activité serait accrue ou devrait être adaptée du fait de la crise

Pour cela, les services de santé au travail pourront s’appuyer sur les mesures de prévention détaillées dans les fiches métiers que le ministère a commencé à publier sur son site internet[1].

  • Sur la première partie, on demande aux SST de faire leur boulot, et c’est toujours bien de le rappeler dans une période où ces services étaient plutôt en retrait. En effet, beaucoup d’entre eux avaient, dans un premier temps, mis leurs médecins en chômage partiel. Aujourd’hui, beaucoup sont « revenus » en télétravail. Très peu font du présentiel dans les services.

Plus ambigu, l’accompagnement des entreprises sur l’adaptation ou l’accroissement de leur activité. La médecine du travail ne doit pas accompagner la « montée en productivité », mais assurer sa mission de prévention afin que les salariés puissent travailler dans des conditions saines. Ce qui n’est pas gagné lorsqu’on connait la pénurie de masques, de gel, de tests…

Un nouveau rôle pour le médecin du travail

L’ordonnance prévoit que le médecin du travail pourra lui-même prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection d’un salarié au Covid-19.

Il sera également autorisé à procéder à des tests de dépistage du virus, selon un protocole qui sera défini par arrêté.

Les conditions dans lesquelles les médecins du travail pourront effectuer ces missions doivent encore être précisées par un nouveau décret.

  • La prescription n’est pas étrangère à l’activité des médecins du travail. Ils pouvaient par exemple prescrire des prises de sang, pour faire des plombémies ou des scanners des poumons pour les salariés exposés à l’amiante.

La nouveauté réside sur la possibilité de faire des arrêts de travail ou de les prolonger, ce qui était réservé au médecin traitant jusqu’à présent.

« On place les médecins du travail directement sous la pression des entreprises, qui vont demander que tel ou tel salarié soit mis en arrêt ou, au contraire, qu’il retourne au travail le plus rapidement possible, au gré de leurs besoins de main-d’œuvre ». c’est ce que déplore Jean-Louis Zylberberg président de l’association des médecins du travail (a-smt)[2].

En ce qui concerne la possibilité de faire des tests, il semblerait que « l’objectif soit d’associer les services de santé à une campagne massive de tests dans une perspective de sortie de confinement ». Mais aujourd’hui les Services de Santé au Travail sont dans l’incapacité de faire ces tests pour cause de pénurie.

Visites médicales et interventions dans l’entreprise peuvent être reportées           

L’ordonnance permet d’interrompre la programmation des visites médicales professionnelles des salariés à compter du 12 mars 2020 (dans le cadre du suivi individuel de l’état de santé des salariés). C’est le médecin du travail qui définira s’il peut maintenir les visites, celles qu’il estime indispensables, notamment en raison de l’état de santé du travailleur ou des caractéristiques de son poste de travail.

Les visites médicales pourront être reportées, dans des conditions qui devront être définies par un décret avant le 31 août, et devront être organisées au plus tard avant le 31 décembre 2020.

Peuvent faire l’objet d’un report :

  • Les visites d’information et de prévention devant être effectuées suite à l’embauche d’un salarié (article 4624-10 du code du travail et R717-13 du code rural et de la pêche maritime) sauf celles qui, selon les missions, rentrent dans le cadre des exceptions non-reportables ci-dessous ;
  • Le renouvellement de la visite d’information et de prévention (article R. 4624-16 du code du travail et à l’article R. 717-14 du code rural et de la pêche maritime) ;
  • Les examens médicaux d’aptitude des salariés affectés à des postes à risques (article L. 4624-2) ;
  • Les visites périodiques programmées dans le cadre du suivi individuel des salariés, au minimum tous les cinq ans (article L.4624-1) ;
  • Les visites effectuées dans le cadre du suivi individuel des salariés en CDD ou employés par une entreprise de travail temporaire (article. L.4625-1-1) ;
  • Les visites pré-départ en retraite pour les salariés sous suivi individuel renforcé (article L.4624-2-1) ;
  • Le renouvellement de l’examen d’aptitude et la visite intermédiaire, prévus à l’article R. 4624-28 du code du travail et à l’article R. 717-16-2 du code rural et de la pêche maritime, sauf pour les travailleurs exposés aux rayons ionisants classés en catégorie A ;

Ce report ne devra pas empêcher l’embauche ou la reprise du travail d’un salarié.

Il ne devra pas excéder 1 mois pour les salariés qui font l’objet d’un suivi individuel renforcé (R4624-22 du code du travail), et 3 mois pour les autres travailleurs.

Lorsque la visite médicale est reportée, le médecin du travail en informe l’employeur et le travailleur, en leur communiquant la date à laquelle la visite est reprogrammée. Dans le cas où le médecin du travail ne dispose pas des coordonnées du travailleur, il invite l’employeur à communiquer à ce dernier ces informations.

Le décret du 8 avril a précisé les exceptions pour lesquelles la visite médicale ne devra pas être reportée au-delà de la date prévue :

  1. La visite d’information et de prévention initiale, prévue à l’article R. 4624-10 du code du travail et à l’article R. 717-13 du code rural et de la pêche maritime concernant :
    1. Les travailleurs handicapés ;
    2. Les travailleurs âgés de moins de dix-huit ans ;
    3. Les travailleurs qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité ;
    4. Les femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes ;
    5. Les travailleurs de nuit ;
    6. Les travailleurs exposés à des champs électromagnétiques affectés à des postes pour lesquels les valeurs limites d’exposition fixées à l’article R. 4453-3 du code du travail sont dépassées ;

Pour ces salariés, le médecin organisera également les visites de reprise après

  • Un congé de maternité ;
  • Une absence pour cause de maladie professionnelle ;
  • Une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.
  1. L’examen médical d’aptitude initial, prévu à l’article R. 4624-24 du code du travail et à l’article R. 717-16-1 du code rural et de la pêche maritime
  2. Le renouvellement de l’examen d’aptitude pour les travailleurs exposés à des rayons ionisants classés en catégorie A en application de l’article R. 4451-57 du code du travail, prévu à l’article R. 4451-82 du même code.

En outre, le médecin du travail n’est pas tenu d’organiser la visite de pré-reprise des travailleurs en arrêt de travail d’une durée de plus de trois mois (article R. 4624-29 du code du travail et à l’article R. 717-17 du code rural et de la pêche maritime lorsque la reprise du travail doit intervenir avant le 31 août 2020, sauf s’il porte une appréciation contraire dans les conditions prévues à l’article 4 du présent décret.

Dans le cas de la suppression de cette visite, le médecin du travail doit en informer la personne concernée.

Aménagement des interventions auprès des entreprises

Les SST pourront reporter ou aménager leurs interventions auprès des entreprises, notamment les actions en milieu de travail, lorsqu’elles ne sont pas en rapport avec l’épidémie (Par exemple les études de poste, les procédures d’inaptitudes ou encore la réalisation de fiches d’entreprise…).

Ici aussi, c’est le médecin du travail pourra décider de maintenir les interventions liées à une situation particulièrement grave ou urgente dans l’entreprise.

Le décret en Conseil d’Etat déterminera la date de fin d’application de ces mesures, au plus tard le 31 août 2020.

  • Ces dernières mesures de gestion des priorités peuvent s’entendre du fait de l’urgence face à la crise sanitaire. Cependant, cela nous renvoi à la pénurie de médecins du travail orchestrée par les gouvernements successifs et dénoncée de longue date par la CGT.

Pour les équipes syndicales, il faudra veiller à ce que la prévention de la contamination au COVID 19 ne se substitue pas à la prévention des autres risques au travail. Notamment, aux risques psychosociaux qui peuvent survenir du fait du stress lié à l’obligation de travailler et donc de s’exposer au virus, ou à l’isolement lié au télétravail et au confinement, par exemple.

Des dimensions qu’il aurait été plus facile de porter, si les ordonnances avaient redonné du poids au dialogue social dans l’entreprise, particulièrement nécessaire dans la période…chose que le gouvernement n’a visiblement pas souhaité faire, sans surprise.


[1] https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/coronavirus-covid-19-fiches-conseils-metiers-pour-les-salaries-et-les

[2] Médecine du travail sur ordonnance, magazine « Santé et Travail », 2 avril 2020.