Le temps de travail est une notion qui s’enracine avec l’expansion de l’économie capitaliste et de la grande industrie. Traduction concrète de la subordination du travail par le capital, elle est au cœur de la lutte des classes, comme le salaire. Il n’est donc pas étonnant que son histoire soit une succession de luttes, de conquêtes et de reculs, avec pour enjeux la durée et les modalités de calcul.
En moyenne, la durée moyenne annuelle est passée de 3 000 heures en 1840 à 1 600 aujourd’hui. Cette tendance masque cependant de profondes évolutions, comme l’essor des horaires atypiques (temps partiel, nuit, week-end, travail posté) ou de l’annualisation du temps de travail.
Premières mesures (1841-1919)
Les premiers textes concernent les femmes et les enfants, à l’image de la loi de 1841 qui limite le temps de travail de ces derniers à 8 heures par jour entre 8 et 12 ans. Leur adoption ne se fait pas sans arrière-pensées. Ainsi, l’intervention de l’Église en leur faveur est surtout motivée par des préoccupations morales et religieuses. Pour autant, elles furent peu appliquées.
De même, le repos hebdomadaire dominical s’impose difficilement après sa suppression durant la Révolution française. La loi de 1814, vite contournée, est abrogée en 1880 et le débat n’est clôt qu’avec la loi de 1906, avant sa remise en cause au milieu des années 2000.
Vers les huit heures (1904-1919)
En 1904, la jeune CGT reprend à son compte l’exigence des 8 heures journalières formulée par l’Association Internationale des Travailleurs (AIT) à sa création en 1864. Le mot d’ordre déroulé sur la façade de la bourse du travail de Paris – « À partir du 1er mai 1906 nous ne travaillerons que 8 heures par jour » – donne le ton. Mais le demi-million de grévistes ne suffit pas à vaincre. Seuls la boucherie de la Grande Guerre et le spectre d’une grève générale imposa cette revendication, par la loi d’avril 1919.
Dans la métallurgie, un accord national est signé par l’UIMM et la direction fédérale réformiste, ce qui est rejeté par les métallurgistes de la Seine en grève. Cette controverse, ainsi que d’autres, fut à l’origine de la scission de la Fédération des métaux en 1921.
Cette conquête est rapidement éludée par le patronat au point que, dès 1922, une pétition groupant un million de signatures en réclame le respect.
Congés payés et 40 heures (1936-1938)
La crise économique des années trente aggrave la rationalisation et le recours aux heures supplémentaires. Les grèves de mai-juin 1936 imposent les lois des 20 et 21 juin sur les deux semaines de congés payés et les 40 heures hebdomadaires, mais cette dernière victoire est contestée par le patronat qui obtient bientôt des dérogations. En novembre 1938, les décrets-lois suspendent les 40 heures et la durée de travail ne cesse ensuite d’augmenter, des préparatifs de la guerre à la Libération.
Vers les 40 heures effectives (1946-1981)
La loi de février 1946 réaffirme les 40 heures hebdomadaires, mais autorise – reconstruction du pays oblige – jusqu’à vingt heures supplémentaires par semaine. En février 1950, la négociation collective est relancée, mais la durée du travail ne se réduit véritablement qu’avec l’accroissement des congés payés, pour lequel la régie Renault joue un rôle éminent : 3e semaine en 1955, généralisée par la loi en 1956, 4e semaine en 1962, généralisée par la loi en 1969.
En juin 1966, le législateur impose un maxima hebdomadaire de 60 heures, mais les 40 heures effectives sont encore loin. Malgré tout, certaines branches, comme la sidérurgie, réduisent le temps de travail en contrepartie des gains de productivité, notamment sous la forme de préretraites.
L’objectif des 40 heures, affirmé dans le protocole de Grenelle en mai 1968 et appuyé par dix millions de grévistes, devient un objet de négociation dans les branches et les entreprises. Les modalités dans la métallurgie sont fixées par les accords d’avril 1972 et de mai 1973. Il fallut toutefois attendre le début des années 1980 pour les 40 heures soient, en moyenne, effectives.