C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la disparition de notre camarade Charles Guillemin, ouvrier opticien de précision, militant CGT de la métallurgie de Paris, conseiller juridique, directeur de la maternité des Bluets (1965-1975).
Charles Guillemin est né le 18 septembre 1923 à Paris (XVIe arr.). Son certificat d’études en poche, il entre en apprentissage d’ouvrier opticien en novembre 1938, chez Gallus à Courbevoie, une entreprise fabricant des collimateurs pour les chars et divers travaux annexes d’optique.
Il subit l’exode de son entreprise à Châtellerault en 1940. Puis, il remonte à Paris et subtilise le vélo d’un soldat allemand pour faciliter ses déplacements. Il reprend sa place chez Gallus. Grâce à la complicité d’un médecin qui le convoque pour une opération du nez, il échappe au Service du Travail Obligatoire (STO) en 1943. Il lisait alors beaucoup, notamment la littérature antique, Plutarque, Homère, Virgile, mais aussi Giono, tout en fréquentant les théâtres. Un goût qu’il cultiva toute sa vie, au point d’accumuler plusieurs milliers d’ouvrages dans sa bibliothèque.
Alors que les combats pour la Libération de Paris ne sont pas encore terminés, Charles Guillemin accompagne l’un de ces chefs d’atelier à la Maison des métallurgistes, au 94 rue d’Angoulême, bientôt Jean-Pierre Timbaud et adhère à la CGT. Il prit sa carte au parti communiste français peu de temps après.
À son retour de dix mois de service militaire, au début de l’année 1946, il prend des responsabilités : délégué du personnel, secrétaire du comité d’entreprise, puis secrétaire du syndicat CGT des opticiens de précision de Paris. La reconversion de la production militaire vers la production civile échoue chez Gallus. La direction opère alors des licenciements et en profite pour se débarrasser de Charles Guillemin à la fin du mois de juillet 1947.
Grâce à la complicité du chef d’atelier, ancien militant de la CGT, il est embauché le 6 septembre 1948 chez Troispoux (Jumelles Lumina) dont l’usine se trouve dans le XXe arrondissement. Il se marie le 25 septembre 1947.
Il est élu responsable syndical des délégués et intègre le bureau du syndicat local des métaux du XXe arrondissement. En 1949, il déclenche une grève d’atelier sur la question des salaires qui aboutit sur une victoire.
En mars 1950, il démissionne à la demande de l’USTM, qui souhaite qu’il s’implante dans le XIe arrondissement. Il trouve à s’embaucher à la Société d’Exploitation de la Piézo-Électricité (SEPE), qui usine le quartz. Mais, la situation économique entraîne des licenciements en novembre 1950. Il trouve un emploi aux Jumelles Deraismes, toujours dans le XIe arrondissement.
Moins d’un mois plus tard, il démissionne pour devenir permanent, en tant que responsable du conseil juridique de l’USTM, dont la réputation dépassait largement les frontières des métallos.
Avocat sans robe et sans manche, mais pas sans cause, Charles Guillemin a contribué plusieurs années durant à faire appliquer le droit du travail et les conventions collectives dans la métallurgie, en s’employant à faire condamner le plus grand nombre possible d’employeur.
Membre de la commission exécutive de l’USTM à partir de 1950, il est élu administrateur de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris en 1955, puis de la caisse régionale d’assurance maladie.
En 1963, il quitte le conseil juridique, remplacé par Georges Dubosc. Il devient alors membre du secrétariat de l’Union des syndicats des travailleurs des industries métallurgiques et mécaniques de la Seine, avant d’être désigné directeur de la polyclinique Pierre-Rouquès en février 1965, en remplacement d’Albert Carn. Son passage « aux Bluets » est resté dans les mémoires. Lui qui ne supportait pas la vue du sang, il a laissé le souvenir d’un militant soucieux du personnel et des patients, à l’écoute et inventif dans les solutions à apporter au quotidien. C’est sous sa direction que la polyclinique ouvre, en 1974, un centre de planification et d’éducation familiale où la sexualité, la contraception et l’avortement pouvaient être librement abordées.
Il démissionne en 1975, pour passer la main à Michel Gasnier, et dirige alors les activités sociales et culturelles du comité d’inter-entreprises des usines Chausson de la région parisienne, jusqu’à son départ en retraite en 1983.
Il n’abandonne pas pour autant sa vie militante, puisqu’il poursuit son engagement au sein de la section des retraités métallurgistes de Paris, y compris après son entrée dans une maison de retraite du XIIe arrondissement. Bien entendu, il continua de lire son journal quotidien, l’Humanité, ainsi que La Vie ouvrière, l’hebdomadaire de la CGT.
Aujourd’hui, les métallos CGT parisiens ont perdu l’un des leurs. C’est avec solennité et émotion que nous lui adressons ce dernier salut fraternel.