Le 1er mai 2022, le SMIC a augmenté pour la 3e fois en moins d’un an1. Cette nouvelle augmentation de 2,65% est le résultat du contexte inflationniste qui a ressurgi avec la reprise économique post-Covid. Désormais le SMIC brut mensuel s’élève à 1645,58 €. Depuis le 1er janvier 2021, le SMIC a augmenté de 5,9%, ce qui équivaut à 91€ brut, soit 72€ net (il s’élevait à 1554,58€ mensuel brut à cette date). Ces augmentations successives sont le fruit d’un processus automatique d’indexation du SMIC sur l’inflation. L’intérêt de ce mécanisme réside dans le fait qu’il est indépendant de toute volonté gouvernementale et patronale. Le SMIC bénéficiant d’un dispositif d’indexation sur le niveau des prix, sa revalorisation n’est pas soumise au désidérata du patronat car son évolution est garantie par la loi. A titre de comparaison, les minis IC négociés au niveau de la branche métallurgie ont augmenté de 3,8% depuis janvier 20212. Pourtant l’inflation moyenne en 2021 s’est établie à 1,6% et la banque de France prévoit une augmentation du niveau général des prix de 4,4% pour cette année. Ce sont donc 2,2 points % d’augmentation qui manquent pour que les minis IC de la branche métallurgie ne perdent pas leur pouvoir d’achat sur ces deux années. Par ailleurs, ces différentes augmentations qui ont jalonné ces derniers mois provoquent une situation tout à fait singulière, puisqu’en l’état, le salaire minimum de la nouvelle Convention Collective Nationale est aujourd’hui inférieur au SMIC de 26,67€ bruts/mois.
L’échelle mobile des salaires, une réalité en France jusqu’en 1982
En effet, aussi inimaginable que cela puisse paraître, les années d’après guerre se caractérisent par un dispositif d’échelle mobile des salaires. Durant cette période, nul besoin de négocier son salaire pour maintenir son pouvoir d’achat, c’était la loi qui l’assurait. Les négociations salariales servaient uniquement à améliorer le niveau de vie des travailleurs. C’est au nom de la sempiternelle compétitivité que le gouvernement socialiste en 1983, met fin à cette revalorisation automatique. Dorénavant, seul le salaire minimum bénéficie de cette protection. Il n’en fallait pas plus pour que le patronat se saisisse pleinement de ce nouvel espace pour mettre en place des politiques de modération salariale sans précédent. Le résultat est sans ambigüité : depuis 40 ans le salaire médian a progressé bien moins vite que le SMIC.
L’augmentation du profit, premier moteur de l’inflation
Lorsque l’on parle d’indexation des salaires, les libéraux s’empressent d’user de l’argument de la boucle prix salaire. Mais avancer le spectre de l’activation du cercle vicieux de la relation prix-salaire, constitue un argument fallacieux. Depuis la reprise économique, les deux principaux contributeurs de l’inflation sont très majoritairement le niveau des marges des entreprises et l’augmentation du prix des approvisionnements. L’augmentation des salaires n’est pas le carburant de l’inflation, car elle doit être absorbée par les marges des entreprises. Cela constituerait donc un rééquilibrage légitime du partage de la valeur. Depuis la désindexation des salaires en 1983, la part du travail dans la valeur ajoutée a dégringolé au profit des marges des entreprises. Rétablir le niveau de la part du travail des années d’après guerre signifierait augmenter les salaires de plus de 700€/mois pour chaque travailleur. L’échelle mobile des salaires est un enjeu majeur qu’il convient de réinvestir, car il permet en partie d’émanciper l’évolution des salaires de la seule décision patronale. Rétablir cet outil permettrait d’améliorer la souveraineté des travailleurs sur leur niveau de vie.
Baptiste Royer, Conseiller fédéral