La loi El Khomri a occupé l’espace médiatique tout au long du premier semestre 2016. Pas moins de quatorze journées nationales d’actions ont mobilisé les camarades dans les grèves et manifestations, plus d’un million et demi de personnes ont signé la pétition demandant le retrait de ce projet et même après publication de la loi, plus d’un français sur deux y était toujours défavorable.
Cette mobilisation est-elle pour autant un échec ? En examinant attentivement les différentes versions du texte, du pré-projet de mars 2016 au texte proposé en Conseil des ministres et enfin la version adoptée par le 49-3, force est de constater que la mobilisation a fait évoluer le texte.

Quelques reculs du gouvernement
Le Gouvernement a reculé sur certains points et a également amélioré plusieurs dispositions. Ainsi, sans en faire un inventaire à la Prévert, Gouvernement et législateur ont reculé sur :
– Le fractionnement du repos quotidien et hebdomadaire des salariés au forfait jours (renvoyé à une concertation entre patronat et organisations syndicales) ;
– La remise en cause de l’obligation de résultat de l’employeur en matière de santé et sécurité pour les salariés au forfait jours ne prenant pas leurs repos ou congés ;
– L’augmentation du temps de travail des apprentis mineurs (au-delà de 35 heures, l’autorisation de l’inspecteur du travail reste nécessaire) ;
– L’augmentation de la période de référence pour calculer la durée hebdomadaire moyenne du travail de nuit (le Gouvernement voulait passer de douze à seize semaines) ;
– La place laissée aux décisions unilatérales de l’employeur lorsqu’il n’y a pas d’accord collectif et particulièrement dans les entreprises de moins de 50 salariés (ex : la mise en place du forfait jours y nécessitera l’accord d’un salarié mandaté par une organisation syndicale) ;
– La limitation au périmètre national pour apprécier les difficultés en cas de licenciement économique (on reste sur la situation du secteur d’activité du groupe au niveau international).

Et des avancées pour les salariés
D’autres points du texte ont été améliorés au fil de la lutte, ainsi :
– L’élargissement de l’accès au compte personnel de formation avec de nouvelles formations éligibles ;
– L’allongement de la protection de la salariée contre le licenciement jusqu’à 10 semaines après l’accouchement, protection étendue au deuxième parent ;
– La création de la «garantie jeune» : accompagnement personnalisé et aide financière pour faciliter l’accès à l’emploi des jeunes de moins de 26 ans ;
– L’amélioration de la lutte contre le sexisme et le harcèlement au travail avec un renfort de leur définition ;
– L’ajout de deux thèmes supplémentaires pour lesquels l’accord d’entreprise ne peut déroger à l’accord de branche : l’égalité entre les femmes et les hommes et la pénibilité (ils s’ajoutent aux domaines déjà fixés par la loi du 04/05/2003 que sont les classifications, les salaires minima, la mutualisation des fonds de la formation professionnelle et la prévoyance) ;
– L’intégration du droit à la déconnexion dans les négociations annuelles obligatoires ;
– La protection du délégué syndical en cas d’accident de travail ou maladie professionnelle survenu à l’occasion de sa participation à des réunions d’instances de la branche ;
– L’augmentation du crédit d’heures du délégué syndical (entre 12 et 24 h selon l’effectif), du délégué syndical central (24 h) et de la section syndicale (12 ou 18 h selon l’effectif).

Toujours dans la lutte
Bien entendu ces constats n’enlèvent en rien le caractère rétrograde de cette loi et particulièrement sur l’inversion de la hiérarchie des normes et le suivi de la santé au travail. Le rapport de forces a fait évoluer le texte mais une mobilisation plus importante aurait pu lui réserver un autre sort. Cela doit nous encourager à poursuivre les discussions auprès des salariés sur les dangers de cette loi mais aussi et surtout concernant nos repères revendicatifs. C’est ce travail militant quotidien qui est très certainement à l’origine d’une hausse de 40% de l’implantation de nouvelles bases syndicales dans la métallurgie en 2016. Cela doit également, d’un point de vue plus général, nous convaincre que la lutte paie mais à la condition d’être crédible dans nos propositions et persévérant dans nos actions.