Le Guide du métallurgiste de mars 1955 met l’accent sur la diffusion de La Vie ouvrière, journal officiel de la CGT parmi les travailleurs de la métallurgie. À cette occasion, la double page centrale reproduit trois témoignages relatant les conditions dans lesquelles ils ont lu leur première Vie ouvrière. Morceaux choisis.
Alfred Costes, président de la Fédération des travailleurs de la métallurgie, explique : « Cela fait bien longtemps, avant la guerre 14-18. Dans l’usine où je travaillais, il y avait un copain qui y était abonné et qui m’en a prêté quelques numéros. À l’époque, la VO était publiée sous forme de petits fascicules. La guerre vint et à mon retour en 1917, je m’engageais dans la bataille révolutionnaire. Je m’abonnais à la VO en 1920. Depuis, je n’ai jamais quitté ni la VO, ni la bataille. Je vois encore la boutique du Quai de Jemmapes à laquelle s’attachent à moi tant de souvenirs impérissables tous liés aux durs combats de l’époque. […] Sa lutte opiniâtre contre le comité des forges et les fauteurs de guerre lui valut d’être interdite par les hommes qui se « vautrèrent » dans la collaboration hitlérienne. Interdite, sa parution continuait. Son format était très petit, son tirage moins nombreux, mais combien de dizaines de milliers de travailleurs se sont passés de mains en mains ces numéros clandestins dont l’impression et la diffusion coûtèrent la mort et la déportation à tant de travailleurs animés par la fidélité à leur classe, à leur pays. Je me rappelle encore, lorsqu’en prison en Algérie, mes camarades et moi avions la joie d’avoir en main un de ces numéros, comment il était lu de la première à la dernière ligne. Il représentait pour nous la réalité, le vrai visage de notre classe ouvrière, de notre peuple, dressés contre l’occupant, la guerre, la misère. »
Jean Breteau, secrétaire général de la Fédération, témoigne : « J’ai commencé à lire la Vie ouvrière au cours de l’année 1937. Jusqu’au début de la guerre, je n’en ai pas été un lecteur assidu. Je le suis devenu à partir d’un numéro clandestin que j’ai lu en novembre 1942 et qui relatait la fusillade des « 27 de Châteaubriant ». Chaque numéro lu depuis cette époque jusqu’à la Libération et depuis m’a apporté quelque chose de nouveau pour le combat que tous nous menons. »
Livio Mascarello, secrétaire général adjoint de la Fédération ajoute : « Aussitôt après la Libération, j’étais un lecteur assidu de l’hebdomadaire de la tendance « ex-confédérés » à la CGT intitulé « Résistance ouvrière » qui, par la suite, devait prendre le nom de « Force ouvrière ». À l’époque, faisant mes premières armes de militant syndical, j’étais de ceux qui lisaient parfois la Vie ouvrière pour se faire une opinion de ce que pensaient et écrivaient les camarades de la CGT appartenant à la tendance « ex-unitaires ». Membre de la SFIO, militant politique au parti socialiste, comme bien d’autres, la Vie ouvrière représentait pour moi la voix des « communistes » de la CGT. C’est ainsi que j’ai lu ma première Vie ouvrière. Depuis, combien de chemin parcouru. C’est la Vie ouvrière qui avait raison. »