Au détour d’une page de L’Union des métallurgistes de juin 1956, un article retient l’attention. Intitulé « Voici toute la vérité sur la mort de Léo Valentin », il annonce le décès de Léo Valentin, surnommé « l’homme-oiseau », survenu le 21 mai 1956, durant un meeting aérien à Liverpool, au Royaume-Uni.
Un pionnier du parachutisme
Né en mars 1919 dans une famille cheminote à Epinal, il a été apprenti dans une boucherie, avant de rejoindre un atelier de serrurerie. Les yeux levés vers le ciel dès son plus jeune âge, il suit les cours d’aviation populaire, avant d’intégrer, à 18 ans le centre d’entraînement de parachutisme de l’armée de l’air en Algérie.
Il effectue son premier saut le 15 octobre 1938. La mortalité, importante dans cette jeune discipline sans règles ni techniques définies, n’entame pas son enthousiasme et, en 1941, il est nommé moniteur. Avec des camarades, il rejoint l’Angleterre et les Special Air Service (SAS). Le 6 juin 1944, il est parachuté en Bretagne et participe aux combats pour la Libération du territoire.
La guerre achevée, il retrouve son poste de moniteur. À partir de mai 1947, il développe une position de stabilisation à plat face au sol qui permet, selon ses propres mots, de « ressembler davantage à un oiseau qu’à un vulgaire sac de sable que je suis si je tombe recroquevillé sur moi-même. » Sa maîtrise de la chute lui permet de s’attaquer à deux records du monde en 1948, avec un lâcher à 7 260 mètres d’altitude et un saut de nuit à 5 200 mètres d’altitude. Mais privé de soutien au sein de la hiérarchie militaire, il décide de quitter l’armée et de vivre de modestes cachets obtenus lors de démonstrations de chute libre dans des meetings aériens.
« L’homme oiseau »
Il s’engage alors dans la confection d’ailes, afin de lui permettre de planer et de contrôler toujours mieux sa descente. Sa première tentative devant 300 000 personnes à Villacoublay, en avril 1950 est un succès, mais le convainc d’opter pour des ailes rigides et profilées. Les difficultés, tant financières que matérielles, s’accumulent, tant et si bien qu’il ne peut effectuer un essai en conditions réelles qu’en mai 1954. À cette occasion, il réussit un vol plané sur une distance d’environ cinq kilomètres, une première mondiale ! Il ouvre ainsi la voie à la naissance du deltaplane. Quelques mois plus tard, il réalise, avec Monique Laroche, le premier saut en couplé.
Un métallo CGT
Ce pionnier aux multiples apports comptait parmi les adhérents de l’Union des syndicats CGT des travailleurs de la métallurgie de la Seine, comme le rappelle Jean Vidal, secrétaire général de l’Aéro-Club Central des Métallurgistes (ACCM). Cette réalisation sociale est mise sur pied en 1951 par les métallos parisiens. Elle propose de devenir pilote d’avion ou de planeur, d’effectuer des sauts en parachute, ou encore de construire des modèles réduits, en partant du constat qu’« aujourd’hui les travailleurs construisent des avions à bord desquels ils ne volent presque jamais. La joie de parcourir l’espace en avion est principalement réservée aux gens fortunés » Pas étonnant que Léo Valentin en fut également membre !
A (re)voir : Les copains du dimanche, d’Henri Aisner, avec Jean-Paul Belmondo (1956).