Le travail de milliers d’ouvriers qui ont produit toute une gamme d’équipements automobile à la sueur de leur front sur Issoire (Puy de Dôme) et dans le Bassin Minier de Brassac-Les-Mines, Sainte-Florine (Haute-Loire) pendant plus d’un siècle a bien failli tombé aux oubliettes. C’était sans compter sur les militants de la CGT qui se sont battus contre la restructuration de l’usine au début des années 80. A l’époque, c’est Philippe Munck, ancien responsable du secteur droits et libertés à la confédération qui suit le conflit des Ducellier. Quelques années plus tard, il a senti la nécessité de relater ces événements. Il s’en est même fait un devoir. En 1989, il commence une étude sur la lutte des « dudus » contre le déclin industriel. Il recueille plusieurs centaines d’heures d’interviews qu’il a ensuite retranscrites. Le manuscrit tombe aux oubliettes jusqu’en 2007, où un camarade le retrouve aux archives…
Le parcours du combattant pour sortir l’ouvrage
Mais plus de 30 ans après, quel intérêt de ressortir ce travail ? Il a fallu convaincre. « J’ai changé d’avis suite à une discussion et surtout après avoir lu le travail de Philippe Munck » se souvient Bernard Renaud, aujourd’hui membre du collectif CGT Ducellier, chargé d’animer la sortie de l’ouvrage des « dudus ». « En lisant cette page d’histoire, je me suis dit, comme d’autres camarades, que ça pouvait servir ». Un collectif de travail est donc mis en place pour enfin publier cette page d’histoire qui dépasse largement les frontières du bassin minier. Alors que l’auteur est décédé en mai 2014, les camarades s’attèlent, avec leurs compétences, à mettre en page le manuscrit, recherchent des financements et un éditeur, mettent en place un plan de diffusion. « Cela n’a pas toujours été simple, nous avons fait avec nos compétences » se rappelle Bernard. Une collecte par souscription, dons et prêts, est lancée. Les instances CGT régionales, départementales, locales et les syndicats de sites ont été sollicités. Au total, plus de 7 000€ ont été rassemblés pour lancer le tirage. 1 500 exemplaires sont ainsi sortis d’imprimerie pour la soirée de lancement. Le soir même, plus de 200 ouvrages de l’histoire des Ducellier* sont vendus.
Un véritable succès
Si ce sont surtout les anciens salariés de Ducellier qui se sont félicités de la sortie du livre, l’ensemble des camarades l’ont trouvé formidable car cette page d’histoire sociale fourmille d’enseignements. « Cette action puissante, solidaire, âpre, prend naissance au début des années 1980, est ici décortiquée. […] Et l’œuvre de Philippe Munck dépasse largement ces mois gravés dans notre mémoire, […] c’est toute une partie de l’histoire ouvrière, économique et industrielle du pays qui se révèle à nos yeux de lecteurs » explique Elyane Bressol, Président de l’Institut d’Histoire Sociale, dans la préface. Il faut dire que « cette histoire, qui retrace l’évolution économique de notre industrie et la réorganisation des équipementiers automobile en France dans les années quatre-vingt est en corrélation avec ce qui se passe aujourd’hui » affirme Bernard Renaud. Ainsi, depuis plus d’un an, le collectif participe à de nombreuses initiatives syndicales et locales pour faire connaître l’histoire des Ducellier. Mais au-delà du corps militant, qui se retrouve dans les témoignages, des professeurs d’Université ont porté une attention particulière à l’ouvrage. C’est devenu un véritable outil. Pour Jean Claude Daffix, ancien secrétaire général de l’Union locale CGT d’Issoire, « Philippe Munck met ici toutes ses compétences au service de tous afin d’extraire des pistes de réflexion pour tous les salariés de notre pays, ainsi que pour le grand public ». Avec déjà plus de 1 000 ouvrages vendus, La lutte des « dudus » pour vivre debout continue.
*Histoire des Ducellier (1830-1985), la lutte des « Dudus » pour vivre debout !, 560 p, éditions La Galipote, 20 €
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