Interview de Laurence Danet, Secrétaire Générale du syndicat Airbus Nantes.

Comment t’es-tu engagée à la CGT ?
Je suis arrivée chez Airbus Nantes en 2005, par le truchement d’un premier contrat en intérim. En 2007, de grands mouvements de grève sont déclenchés chez Airbus. Je découvre alors la CGT et les revendications portées par le syndicat pendant des prises de parole. Proche des valeurs de la CGT, je n’avais jusqu’alors pas franchi le pas de la syndicalisation. Ce n’était pas évident pour moi puisque dans un syndicat de 150 personnes, il n’y avait pas de femmes. Pourtant je suis entrée dans la maison CGT Airbus Nantes, seule femme et je n’étais pas très à l’aise, me sentant timide, ce n’était pas facile. J’ai été très bien reçue, ça l’a fait ! L’équipe dirigeante a parfaitement intégré le fait que la présence de femmes est indispensable pour le fonctionnement du syndicat. Une intégration d’autant plus motivante que j’ai immédiatement endossé des responsabilités. D’abord avec la commission égalité-mixité. Mon engagement syndical était pourtant, dans cette phase initiatique, empli de doutes. J’avais aussi ces idées reçues du mec un peu costaud qui tape du poing sur la table. Le syndicalisme peut se faire d’une autre manière. C’est ainsi que je suis entrée dans la CGT.

Comment es-tu devenue Secrétaire Générale du syndicat CGT Airbus Nantes ?
Dix ans passent très vite. Je suis moi-même étonnée de mon parcours syndical jusqu’à aujourd’hui. J’ai 44 ans et ces dix années en arrière me semblent comme si c’était hier. Nous sommes une équipe très soudée. Les choses se font de fil en aiguille. Il y a une confiance réciproque. Il y a notre organisation, où les décisions sont collectives, avec les syndiqués, les adhérents ; la Secrétaire Générale n’est jamais seule. Aujourd’hui, la façon dont se déroule notre congrès en est la preuve. Le syndiqué « acteur-décideur » est une réalité, pas seulement des mots.

Le lien permanent entre le syndicat et les salariés semble solide, c’est quoi votre recette ?
Dans notre syndicat il y a un rythme obligatoire pour organiser les consultations des salariés. En effet, nous nous imposons un nombre minimum de consultations, fixé à trois par an. Par exemple, les Négociations Annuelles Obligatoires sont une occasion d’aller chercher l’expression des salariés. La CGT Airbus Nantes saisit cette opportunité pour discuter de la question des salaires, aussi celle des conditions de travail et d’être au plus proche du terrain. Notre ambition est de consacrer au moins 50% du temps syndical pour la présence sur le terrain.

La présence sur le terrain passe-t-elle par des actions spécifiques ?
Il y a le lien avec l’actualité sociale. Par exemple, un épisode concernant un salarié intérimaire qui était présent depuis 18 mois. Les salariés ont averti la CGT sur le risque avéré de son départ. Nous avons immédiatement pris contacte avec le salarié concerné qui fournissait à la fois un travail de qualité en étant parfaitement intégré à l’équipe, qui ne comprenait pas qu’il fut décidé, par la direction, de s’en séparer. La CGT a vu chaque salarié de l’équipe, pour comprendre la situation et en parler. Spontanément, les salariés ont ensuite décidé d’un débrayage pour soutenir la cause de l’intérimaire menacé. Au final, le salarié a bénéficié d’une embauche. Une belle victoire pour tous, célébrée collectivement de la plus belle façon: l’ex-intérimaire et de nombreux salariés se sont syndiqués chez nous, dans la foulée.

L’avenir de la CGT Airbus, c’est quoi ?
Nous avons de nombreuses initiatives à venir. En tête de liste, nous sommes inspirés par la démarche innovante de la recherche-action chez Renault. Nous voulons engager une action équivalente. L’utilisation des Documents Uniques d’Evaluation des Risques, documents obligatoires liés au poste, est une approche intéressante. L’idée est de consulter les salariés pour savoir si les risques sont bien cernés, par poste. Comme l’entreprise est le rédacteur, bien souvent le contenu est succinct, voire minimisé et bien loin de la réalité du travail. Ce que nous voulons faire, c’est établir, avec les adhérents des secteurs, la réalité des risques et rédiger, avec les salariés, la réalité des choses.