Le mensuel Ensemble ! de février 2019 donne la parole à Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. L’une des questions concerne une interview accordée en début d’année aux journaux du groupe Ebra, durant laquelle ce dernier a insisté pour que la CGT redevienne le syndicat du « carreau cassé » et de la « fiche de paie », des thèmes chers à Henri Krasucki et Georges Séguy, tout en ne perdant pas de vue l’objectif de changement de la société.
Le salaire constitue indéniablement un fil rouge des luttes syndicales, du XIXe siècle à nos jours. Parmi les outils développés pour informer et mobiliser les travailleurs, on trouve les grandes enquêtes salariales dont la première édition interprofessionnelle paraît dans La Vie Ouvrière n° 2226 du 27 avril 1987. On y trouve des statistiques de salaires par catégories socioprofessionnelles et par secteurs d’activité, mais également des articles de fond sur l’offensive patronale visant à imposer l’individualisation des salaires et à remettre en cause le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), ainsi qu’un guide pratique et juridique du salaire.
Pour annoncer ce numéro spécial et inciter à son achat, un (faux) billet de banque est édité et massivement diffusé. Sous la plume de Cabrol, on y voit, au recto, François Perigot, président du Conseil national du Patronat Français (CNPF), ancêtre de l’actuel Medef et Jacques Chirac, alors Premier ministre, entonnant en chœur « On leur donne un salaire… et ils osent se plaindre ». Emis par la « Banque de l’austérité », sa valeur nominale est de zéro franc, pour dénoncer le gel des salaires. Au verso, on tombe nez à nez avec un Gavroche brandissant La Vie Ouvrière devant le palais Brongniart, siège de la Bourse des valeurs de Paris, avec un slogan : « La VO. L’hebdo CGT jusqu’au bout des mots ».
Ce support de propagande, peu commun, a sans doute contribué au succès de la diffusion, puisqu’à cette occasion 300 000 exemplaires ont été tirés. Et l’aventure ne s’arrête pas là, puisque une édition 1988 est déjà annoncée !