L’obligation de sécurité et de résultat de l’employeur vis-à-vis de ses salariés impose à celui-ci de respecter les principes généraux de prévention du code du travail[1] dont le premier est de supprimer le risque. Le « rester chez soi » ou la priorisation du télétravail lorsque c’est possible, sont les seuls moyens d’éviter le risque de contamination. Mais la reprise progressive de l’activité amène les élus à se poser la question des protections pour les travailleurs. Entre aménagement des organisations du travail, protocoles de désinfection et EPI, une question est récurrente et fait débat : les masques !

L’insuffisante distanciation à 1 mètre

La distance minimale censé protégé du risque de contamination a été estimée à un mètre en France. Cette « évaluation » gouvernementale n’est pas une distance validée scientifiquement. Par exemple, elle est de 2 mètres au Royaume Uni et en Suisse, de 1,5 mètre en Allemagne et en Belgique.

Dans son avis d’expert, Santé Publique France indiquait en mai 2019 que la transmission de gouttelettes émises lors de la toux se faisait dans un rayon d’action de 2 mètres à 2,5 mètres[2]

D’autres travaux scientifiques notamment ceux de la chercheuse Lydia BOUROUIBA, publiés le 26 mars 2020 mettent en évidence le risque de contamination par effet aérosol[3] dans un rayon d’environ 6 mètres et insistent sur la nécessité de protéger la population et les travailleurs par des masques FFP2. Par ailleurs, l’avis du conseil scientifique du gouvernement n’exclue pas la transmission par aérosol[4]

Il faut apprécier cette « règle » de distance en toutes circonstances, en incluant la circulation dans les couloirs, y compris en cas d’incident, lorsqu’il faut intervenir à deux pour dépanner, déplacer des objets lourds, pour des raisons de sécurité où on ne doit pas être tout seul etc….

La question des masques

Contrairement à ce qu’a indiqué le gouvernement début mars sur « l’inutilité des masques », ceux-ci sont indispensables pour éviter les contaminations, à condition qu’ils soient efficaces. Les seuls masques véritablement protecteurs sont les masques FFP2 et FFP3.

Pour masquer la pénurie le gouvernement font aussi de la désinformation sur les types de masques. Pourtant, avant la pandémie, le Ministère du travail avait toujours recommandé le port de masques FFP2 comme le démontre la circulaire du Ministère du travail DGT du 3 juillet 2009 concernant le risque de pandémie : « La première recommandation d’ordre sanitaire a trait à l’utilisation d’équipements de protection individuelle de type masques FFP2, destinés à protéger les personnes qui les portent. »[5]

Les masques FFP2 filtrent à minima 94 % des particules de 0,6μm.

Le masque FFP3, ce dernier étant connu initialement contre l’amiante offre encore un meilleur niveau de protection. Le problème, c’est que c’est celui où il y a le plus de pénurie.

Pour le masque dit chirurgical, sa fonction est de protéger les patients et non le porteur du masque. On peut dire que sa fonction est l’inverse des FFP2. Il existe plusieurs types qui doivent correspondre à la norme NF EN 14683 :

  • Type I : 95 % des particules de 3 μm
  • Type II : 98 % des particules de 3 μm
  • Type IIR : 98 % des particules de 3 μm + protection contre les éclaboussures

Les masques chirurgicaux ne sont pas des équipements de protection individuelle au sens du code du travail. Attention à la confusion entre masques chirurgicaux, le marque CE conforme à la norme NF EN 14683 doit être indiqué sur la boite et des masques non sanitaires dits « grand public ».

Quelle efficacité pour les masques « grand public » ?

Le premier Ministre a menti une nouvelle fois en déclarant lors de la conférence de presse du 19 avril que : « Les masques grand public nous paraissent, après étude, après certification, après normalisation, être à même de garantir la sécurité sanitaire de ceux qui en disposent. »

A ce jour, les masques dits « grands publics » ne font l’objet d’aucune norme et d’aucune certification mais d’une simple spécification de l’AFNOR.

Une étude comparant l’efficacité des masques tissus à celle des masques chirurgicaux, a été publiée dans le British Medical Journal en 2015. Elle concluait que « la pénétration des masques en tissu par des particules était de près de 97 % et [pour] les masques médicaux de 44 % ».

« La rétention d’humidité, la réutilisation des masques en tissu et une mauvaise filtration peuvent entraîner un risque accru d’infection », signalait la revue.

Pour leur part, la Société française des sciences de la stérilisation (SF2F) et la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) ont publié le 21 mars une recommandation déconseillant formellement l’usage de masques en tissu comme « solutions palliatives pour couvrir les besoins des soignants et des usagers des établissements ». « Il n’existe pas de preuve scientifique de l’efficacité des masques en tissu », insiste cet avis.[6]

Même le Conseil scientifique du gouvernement indique dans son avis du 20 avril que « nous n’avons pas de données solides actuellement sur l’efficacité des masques alternatifs » [7]

Vous l’aurez compris, ces masques tissus sont des caches misères, pour tenter de palier au manque de masques FFP2. Dans la pénurie, et la hiérarchie des masques en dessous des seuils de protection optimaux, orienter le choix à minima vers un masque validé par la Direction Générale de l’Armement (DGA)[8].  Vous trouverez sur leur site le tableau es performances des masques validés.

ATTENTION : Les protections de type plexiglass ou encore visière, même si elles protègent des projetions directes de gouttelettes, sont INSUFFISANTES pour se protéger de la propagation sous forme aérosol.

Consultation des représentants du personnel sur les masques

Pour rappel, il existe une obligation de consultation préalable du CSE sur « conditions dans lesquelles les équipements de protection individuelle sont mis à disposition et utilisés ».[9] Il faut exiger la transmission des notices de l’ensemble des types de masques utilisés et les modalités de la formation obligatoire[10]

Durée du port des masques :

Un masque chirurgical est conçu pour un usage unique. Il doit être changé dès qu’il devient humide et au moins toutes les 4 heures. Un masque FFP retiré ne doit pas être réutilisé. La durée de port doit être conforme à la notice d’utilisation. Dans tous les cas, elle sera inférieure à 8 heures sur une seule journée.

Ce sont des durées maximales. Car concernant les appareils de protection respiratoire (masques) vis-à-vis du risque biologique, l’INRS recommande dans sa fiche de juillet 2019 de « limiter à 1h la durée de port en continu »[11]

Pour un confort et une protection optimale (notamment lorsqu’on prend en compte les aspects thermiques dans certaines situations de travail), l’organisation du travail doit donc être revue.  Un passage aux vestiaires ou aux sanitaires doit être prévu toutes les 55 minutes maximum, en respectant une grande distanciation lors du changement de masque.


[1] L. 4121-2 : L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

[2] AVIS D’EXPERTS RELATIF À LA STRATÉGIE DE CONSTITUTION D’UN STOCK DE CONTRE-MESURES MÉDICALES FACE À UNE PANDÉMIE GRIPPALE – Santé Public France mai 2019

[3] https://www.lejournaldumedecin.com/actualite/transmission-de-covid-19-par-aerosol-les-implications-pour-la-sante-publique/article-opinion-47087.html?

[4] https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/dossiers-de-presse/article/covid-19-conseil-scientifique-covid-19 – avis du 20 avril (page 7)

[5] http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2009/07/cir_28964.pdf

[6] https://www.sf2h.net/wp-content/uploads/2020/02/Avis-SF2S-SF2H-Mate%CC%81riaux-alternatifs-pour-la-confection-de-masques-chirurgicaux.pdf

[7]  https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_20_avril_2020.pdf

[8] https://www.entreprises.gouv.fr/covid-19/liste-des-tests-masques-de-protection
[9] Article R. 4323-97 code du travail : « L'employeur détermine, après consultation du comité social et économique, les conditions dans lesquelles les équipements de protection individuelle sont mis à disposition et utilisés, notamment celles concernant la durée de leur port. Il prend en compte la gravité du risque, la fréquence de l'exposition au risque, les caractéristiques du poste de travail de chaque travailleur, et les performances des équipements de protection individuelle en cause. »

[10] Formation obligatoire : R. 4323-106 du code du travail  : « L'employeur fait bénéficier les travailleurs devant utiliser un équipement de protection individuelle d'une formation adéquate comportant, en tant que de besoin, un entraînement au port de cet équipement. Cette formation est renouvelée aussi souvent que nécessaire pour que l'équipement soit utilisé conformément à la consigne d'utilisation. »

[11] http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%20146