Une délégation de la Fédération s’est rendue en Inde pour assister au congrès du syndicat NTUI. Compte rendu de Christian Pilichowski, en charge de l’activité «international».

Réunir près de 500 délégués (pour 1,3 million d’adhérents) au Kerala, à l’extrême sud-ouest de l’Inde, pour une organisation syndicale qui a moins de 10 ans est déjà en soi un exploit. Même lorsque l’on connait la taille du pays, on a du mal à s’imaginer que les délégués du Bengale occidental ou bien ceux du Cachemire ont mis plus de 80h de train pour arriver sur le lieu du congrès. Ceux de Delhi, dont les dirigeants du syndicat, ont eux mis plus de 40h. Les échanges se déroulent en 4 langues, les plus courantes parmi la vingtaine de langues officielles du pays, avec traduction en simultanées. Quand, en plus, les heures de délégation ou le droit à assister à un congrès syndical sont inexistants en Inde, c’est-à-dire que chacun est venu sur ses congés souvent sans solde, on ne peut qu’être en admiration devant tant de courage et de dévouement. Dans le même temps, c’est de nature à donner confiance à tous ceux qui par le monde luttent pour la mondialisation du progrès social. Même sans droit, il est possible de tenir un grand et beau congrès. C’est cela la démonstration que fait NTUI.

Avec environ 30% de femmes déléguées, ce qui montre l’engagement de NTUI pour la promotion de l’égalité des genres au sein de l’organisation, les 3 jours de travaux ont été marqués d’abord par les questions organisationnelles, plus que sur les questions d’orientations. Celles ci ont été longuement débattues lors des assemblées préparatoires qui se sont déroulées dans tout le pays lors de l’élection des délégués au congrès. Les thèmes revendicatifs qui reviennent dans les débats et qui font l’objet d’engagements sont :

– La syndicalisation des travailleurs précaires, c’est-à-dire plus de 60% des travailleurs dans l’industrie.

– L’augmentation des salaires et la création d’un salaire minimum

– Obtenir les mêmes droits et le même salaire quel que soit le type d’emploi (précaire, stable).

– Travailler à l’unité de la classe ouvrière, à l’action coordonnée des 11 centrales syndicales nationales.

– Travailler les convergences avec les syndicats dans le monde pour développer les luttes communes.

– L’égalité hommes femmes.

3 résolutions politiques sont débattues rapidement puis votées. En effet, la priorité des débats a plutôt été autour de l’élection des nouveaux dirigeants. Fait exceptionnel pour l’Inde, où habituellement les dirigeants syndicaux restent plusieurs dizaines d’année en place, NTUI a fait le choix d’un renouvellement régulier de ses instances. Ainsi le Président et le secrétaire général sont deux nouveaux camarades, le bureau est constitué de 6 membres dont 3 femmes, fait tout aussi exceptionnel dans ce pays.

NTUI s’est constitué au début des années 2000 en rupture avec le syndicalisme traditionnel Indien, très fortement et organiquement lié aux partis politiques. Il y a autant de syndicats «traditionnels» que de partis, à chaque scission d’un parti, succèdent la scission du syndicat. NTUI a réussi à s’imposer comme une force syndicale indépendante des partis politiques, des gouvernements et des employeurs et ainsi a pu jouer les facilitateurs entre les 11 principales centrales syndicales. Ce qui a débouché sur une grève générale unitaire début février contre les politiques néolibérales et les mesures d’austérité du gouvernement Indien.

L’accueil des délégations étrangères, dont beaucoup de syndicats d’Asie du Sud, a été chaleureux. Cette conférence internationale, post congrès, s’est déroulée en 4 temps forts.

Le premier autour des questions de syndicalisation des travailleurs précaires et du droit à la négociation collective pour ces travailleurs. J’ai fait part de notre expérience à Airbus Nantes.

Le deuxième, autour des questions de migration avec une introduction des camarades étatsuniens sur les changements en cours dans leur syndicalisme. Le syndicat, ce n’est plus seulement l’homme blanc avec un bon statut. Mais de plus en plus d’hommes et de femmes de couleur, précaires, migrants… Ces derniers donnent un souffle nouveau au syndicalisme, lui accordant de la vigueur revendicative. J’ai dis 2 mots sur nos batailles pour la régularisation des travailleurs sans papiers.

Le troisième, que j’ai co-présidé, traitait des enjeux de convergences des luttes. Je suis intervenu pour pointer trois domaines sur lesquels les syndicats du monde pourraient se mettre d’accord dans l’objectif de mondialiser les progrès social.

– augmenter les salaires partout dans le monde

– mobiliser sur les questions de santé et sécurité au travail avec généralisation des normes les plus élevées en commençant par les multinationales.

– généraliser les systèmes de protections sociales : aucun travailleur du monde ne devrait avoir peur de tomber malade, perdre son emploi ou devenir vieux.

Le quatrième moment fort a permis de débattre des questions d’identité, de paix et de démocratie qui s’est conclut par « Workers of the Wolrd Unite ». Je suis intervenu sur la nécessité pour le syndicalisme mondial à relancer des campagnes pour l’interdiction des armes nucléaires et pour le contrôle du commerce des armes conventionnelles.

En conclusion, Gautam Mody, secrétaire général de NTUI, que nous connaissons bien car il a participé à notre table ronde lors de la séance consacrée à l’activité internationale lors du 39ème congrès fédéral, faisait remarquer que pas une fois la Chine n’avait été citée dans les 2 jours de la conférence. Or elle occupe une place importante en Asie mais aussi dans le processus de mondialisation actuel.

Écrit par : Christian Pilichowski