L’Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens de la métallurgie (UFICT) organise son 13e congrès. Quarante ans après son congrès fondateur, nous vous proposons d’explorer un pan d’histoire trop peu connu de notre syndicalisme. D’autant plus que la création de l’UFICT répondait à des enjeux toujours actuels : comment favoriser l’expression des spécificités propres à chaque catégorie ? Comment garantir la convergence et la solidarité parmi les salariés et au sein de notre organisation ? Et tout cela en évitant l’écueil d’une politique « catégorielle » ?
De l’ingénieur au manœuvre !
Alors que la France se libère à l’été 1944, les ingénieurs et cadres (IC), mais aussi les employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise (ETDAM) affluent à la Fédération. Les premiers créent leur Syndicat national des cadres et ingénieurs de la métallurgie (SNCIM) à partir de février 1945 avec près de 10 000 adhérents. Les seconds s’organisent au sein de commissions ad hoc au cœur des structures syndicales existantes, avant de pouvoir créer leurs propres syndicats et sections syndicales à partir de 1952.
Pourquoi une telle structuration pour les ingénieurs et cadres, salariés dits « mensuels », contrairement aux ouvriers dits « horaires », auxquels on les a souvent opposés ? Ce salariat dispose d’un statut, de contraintes et responsabilités spécifiques mais aussi d’une forme d’exploitation particulière qui entraîne des revendications et des modalités d’action qui leurs sont propres. Cet état de fait implique, pour les rallier au syndicalisme, de créer et favoriser des lieux d’échanges distincts et autonomes.
La traversée du désert
Les grèves de l’hiver 1947 se concluent par une scission au niveau confédéral et la création de Force ouvrière. Le SNCIM se voit amputé de la moitié de ses membres et subit une intense répression patronale et gouvernementale. Un tournant est perceptible au milieu des années cinquante. Des avancées revendicatives, fruit des luttes, sont obtenues chez les dactylos et dessinateurs d’Alsthom à Belfort, dans le bureau d’études de Merlin Gerin à Grenoble, dans les chantiers navals de Saint-Nazaire.
Ces victoires se traduisent par une progression de la syndicalisation. Mais il y a urgence chez les ETDAM qui représentent 25 % du salariat de la métallurgie et où l’on ne recense qu’une poignée de syndicats et sections syndicales. Le constat est similaire chez les ingénieurs et cadres, dont le nombre a doublé en dix ans et où les effectifs syndicaux peinent à décoller. En réponse, la Fédération appelle à la « particularisation » des revendications et des modes d’action, à la décentralisation des structures, ainsi qu’à une plus grande souplesse d’organisation. En 1959, il est ainsi proposé d’accueillir les techniciens et agents de maîtrise au sein des structures du SNCIM.
La montée des luttes spécifiques
Dessinateurs de la Savoisienne à Aix-les-Bains, de Fives-Lille Cail ou des Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire, mensuels de la Thomson à Bagneux, de Bull à Paris, de Neyrpic à Grenoble ou de Sud-Aviation à Rochefort et La Courneuve, le frémissement des luttes des IC et des ETDAM vire peu à peu à l’ébullition. Cette offensive incite le SNCIM à rédiger et diffuser un nouveau projet de convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, ce à quoi s’oppose toujours l’UIMM.
Le terrain est donc prêt pour les grèves de mai-juin 1968, dont les répercussions sur les IC et les ETDAM seront extrêmement appréciables. La suite au prochain numéro !