Le 94 rue Jean-Pierre Timbaud, appelé aussi Maison des métallos, qui hébergeait autrefois le siège de la CGT métallurgie d’Ile-de-France, accueille aujourd’hui diverses organisations liées à la CGT et un établissement culturel de la Ville de Paris.
Lieu historique et désormais culturel, il apparaissait intéressant de travailler à la création d’une œuvre d’art pour un usage quotidien et contemporain, en lien avec l’action culturelle de la CGT.
Dès l’entrée, la grille de fer forgé de la façade, ornée d’une lyre, marque de l’avant-dernier propriétaire des lieux, un fabricant d’instruments de musique, nous replonge dans l’histoire de la Maison des Métallos qui a accueilli de multiples œuvres sociales et «aventures» culturelles (centre de soins, hôpital, centre de formation, colonies de vacances, bibliothèque, librairie, bals, spectacles, chorale, expositions, etc). Il semblait donc important que l’Union fraternelle des métallurgistes puisse, elle aussi, dans la tradition du 94, apposer sa marque sur ce lieu qui présente à la fois une dimension sociale, revendicative et politique.
«Cette œuvre est le résultat de nombreux échanges. Entre nous et l’artiste d’abord, entre l’artiste et les professionnels avec lesquels il a collaboré ensuite. Mais elle articule aussi le dialogue entre les visiteurs des spectacles du soir et ceux des activités de la journée. L’alliance du jour et de la nuit, c’est aussi celui de la culture et de la métallurgie, dans une complémentarité d’esprit» précise Lucien Grimault, président de l’UFM et commanditaire de l’œuvre.
C’est dans ce contexte qu’Alain Bublex, ancien designer chez Renault, a travaillé pour intégrer son œuvre, un système d’éclairage pour le passage entre les bâtiments et l’histoire du lieu.
L’état des lieux et la citation de Benoit Frachon, ancien secrétaire général de la CGT, «le syndicat n’a pas chaque jour de revendication de salaire à présenter. Il n’a pas en permanence l’action collective, la lutte gréviste à préparer, ou à diriger. Cependant, il doit, il peut être utile quotidiennement à ses adhérents. Le syndicat c’est aussi la solidarité et la fraternité» ont inspiré l’artiste.
Aussi, il précise « je me suis rapidement arrêté sur des structures dessinées à partir des techniques et du savoir-faire des ateliers de métallurgie ; la relation au passé récent du bâtiment est tellement évidente que je ne devrais même pas la souligner, mais les systèmes de poulies, sont eux inspirés des suspensions de cuisine où l’on peut régler la hauteur de l’abat-jour. Le dessin des potences montre une certaine improvisation. Ce n’est pas un hommage à la technique, et il n’est pas le produit de la métallurgie comme industrie, mais celui du travail des métallos, ce qui est assez différent. Un peu comme si tout cela avait été fait en perruque. »
L’œuvre « être utile (quotidiennement) » est aussi une démonstration « qu’il n’y a pas d’un côté le monde de la culture et de l’autre celui du travail. Les travailleurs sont aussi créatifs » a rappelé Bernard Thibault lors de l’inauguration. Et de souligner que « depuis sa création en 1895, la CGT a toujours affirmé l’articulation entre le travail et la culture ». Pourtant, témoigne Lucien Grimault « l’œuvre commandée à Alain Bublex n’était encore qu’à l’état de projet qu’elle provoquait déjà des réactions et des échanges sur les priorités de l’activité syndicale. Elle faisait déjà fonction de confrontation. En 2009, nous avons organisé un débat sur la culture ; il s’est avéré très intéressant mais certains participants l’ont trouvé abstrait. En prenant l’initiative de commander une œuvre d’art, nous faisons la démonstration que la culture n’est pas qu’un slogan. Le fait que les métallos parisiens travaillent à une œuvre d’art sera un point d’appui pour regagner ces valeurs et relancer le débat sur la culture. Commander une œuvre d’art en période de crise n’est pas évident. Pourtant, ce n’est pas nouveau et c’est une chance !»