Un métallurgiste sur quatre est aujourd’hui une femme, soit deux fois plus qu’au moment du Front populaire. Comment leur permettre de s’exprimer, de trouver leur place dans l’organisation syndicale, pour défendre leurs revendications ? Cet enjeu, toujours d’actualité, mérite que l’on y consacre plusieurs articles. Premier épisode ici, avec la Libération.

Des « commissions féminines »

Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’afflux de nouveaux syndiqués est imposant. Dans la métallurgie, notre fédération approche le million d’adhérents, dont de nombreuses femmes ! Celles-ci sont cependant confrontées à des préjugés tenaces, y compris dans notre organisation. Préposées « au foyer et aux enfants », elles n’assureraient ainsi qu’un « salaire d’appoint », tout en jouant parfois le rôle d’un « cheval de Troie patronal » pour réduire les salaires.

En réponse, décision est prise à l’automne 1944 par la CGT de réactiver les « commissions féminines » expérimentées durant l’entre-deux-guerres. Associant des militantes et des militants, ces structures ne sont pas des syndicats bis, mais des espaces de prises de parole, de construction des revendications et des modalités de lutte, placés sous la responsabilité de la direction syndicale. On les trouve aux différents échelons de l’organisation : syndicat, union départementale, fédération et confédération.

Dans notre fédération, une cinquantaine de commissions féminines existent dans les syndicats locaux de la métallurgie en province et une trentaine en région parisienne en 1948. Mais « elles sont surtout couchées sur le papier », pour reprendre Olga Tournade, secrétaire fédéral et responsable de la commission fédérale de main-d’œuvre féminine, en dépit de l’énergie déployée par des militantes comme Paulette Decluset en région parisienne, Jeanne Roche à Lyon ou encore Madeleine Diels à Orléans.

Des combats victorieux !

Ce n’est qu’en avril 1944 que le suffrage devient universel, avec l’obtention du droit d’élire et d’être élue pour les femmes. L’égalité est aussi le moteur du combat qui s’engage pour obtenir la suppression de l’abattement, c’est-à-dire de la réduction forfaitaire de 10 % sur les salaires des femmes. Par la lutte, cette revendication aboutit dans 150 entreprises de la région parisienne, appuyant le combat mené par Ambroise Croizat, ministre du Travail, qui impose un arrêté abrogeant cette disposition en juillet 1946.

Face à la pénurie de main-d’œuvre et au cantonnement des femmes aux emplois de manœuvres et d’ouvrières spécialisées, une campagne de mobilisation est engagée en faveur de la formation professionnelle. L’école Bernard-Jugault à Paris (12e arr.), propriété de l’Union syndicale CGT des métallurgistes de la Seine, ouvre une formation spécifique, qui accueille 50 femmes en deux ans. Parmi elles, Germaine Bois, fleuriste, embauchée après six mois d’école comme câbleuse-soudeuse à l’usine Thomson de Paris (15e arr.).

L’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité est poursuivie, tout comme celle des droits associés à la maternité. C’est ainsi que des crèches et des garderies ouvrent leurs portes à Renault-Billancourt ou chez Bronzavia.