Octobre 1942, en pleine Occupation, deux femmes prennent le train à la gare Montparnasse. Jacqueline Timbaud et sa mère ont rendez-vous dans une localité du centre Bretagne. La sentinelle allemande en faction à l’entrée de la carrière près de Châteaubriant ne pourra pas s’opposer à l’adolescente venue déposer des fleurs au pied d’un poteau d’exécution. Un an plus tôt, Jean-Pierre Timbaud, leur père et mari, y avait trouvé la mort, fusillé avec 26 de ses camarades.
La répression
Il était de ces militants, communistes, syndicalistes, trotskistes, francs-maçons, arrêtés par milliers durant les grandes rafles d’octobre 1940. Pressé de montrer son zèle à l’occupant nazi et animé d’un esprit revanchard depuis le printemps 1936, Pétain faisait la chasse aux opposants.
Ces résistants de la première heure, à qui l’on refusera longtemps toute reconnaissance, sont souvent emprisonnés sans procès ou condamnés, parfois à mort, par les « sections spéciales », des tribunaux d’exception où les magistrats feront valoir des lois rétroactives. Ballottés de camps en camps, ils sont plusieurs centaines à échouer au camp de Choiseul, à Châteaubriant.
Le 20 octobre 1941, un officier allemand est abattu à Nantes. L’occupant nazi exige l’exécution d’otages. Le ministre de l’Intérieur, Pierre Pucheu, ancien du patronat de la métallurgie, se hâte d’établir une liste. Il les connaît bien ceux qu’il faut éliminer.
Pour la paix et la liberté
Le 22 octobre, ils sont vingt-sept à être emmenés pour être exécutés.
C’est alors que retentit La Marseillaise, chantée dans les camions où sont montés les otages et reprise dans les baraques où sont enfermés les prisonniers. Une Marseillaise qui s’égrène à travers les rues de la localité.
Ils seront fusillés par groupe de neuf. Jean-Pierre Timbaud aurait alors crié : « Vive le parti communiste allemand ». Le geste est magnifique, à la mesure de ce grand militant ouvrier. Ce qui est sûr c’est qu’il murmura au gendarme Touya, commis zélé des bourreaux nazis : « Je ne suis qu’un ouvrier mais je n’ai pas souillé ma cote comme tu salis ton uniforme ». Touya finira dans son lit, élevé au grade de capitaine et décoré de la Légion d’honneur pour service rendu à la République. Les balles sont allemandes mais les poteaux d’exécution sont français.
Henri Gautier, métallo du Havre, fera l’appel aux morts avant de s’évader quelques semaines plus tard pour rejoindre la Résistance. Tout à sa haine du Front populaire, Pétain n’a pas mesuré qu’il vient de montrer son vrai visage.
Se souvenir… et lutter
Le 17 octobre prochain, ils seront nombreux à reprendre le chemin jusqu’à la carrière en hommage à ces martyrs.
Comme chaque année, après les commémorations, les appels aux morts, les discours, les évocations, lorsque la cérémonie militante et républicaine touchera à sa fin, ce n’est pas La Marseillaise qu’entonneront les participants, pas plus que Le Chant des partisans ou L’Internationale. Non. C’est une chanson de Léo Ferré : « l’Âge d’or », qui emplira la Sablière.
Nous aurons du sang
Dedans nos veines blanches…
Mais notre âge alors
Sera l’âge d’or
Continuer aujourd’hui à construire cet âge d’or n’est-ce pas la meilleure façon d’être dignes d’eux comme nous le réclamait l’adolescent Guy Môquet en partant pour son martyr ?
Nous aurons l’amour
Dedans tous nos problèmes
Et tous les discours
Finiront par je t’aime
Vienne vienne alors
Vienne l’âge d’or