Militer à la CGT n’a jamais été une sinécure. De tout temps, patronat et gouvernement se sont évertués à étouffer les revendications, par la répression des militants et des syndiqués. Mais il n’aura échappé à personne que depuis quelques temps cette politique rétrograde progresse.
Sous le règne socialiste, des poursuites judiciaires ont notamment frappé des militants de Goodyear et d’Air France, tandis que dans les manifestations contre la loi El Khomri, les forces policières multipliaient actes violents, fouilles et arrestations, tout en laissant le champ libre aux « casseurs ».
Un petit coup d’œil au passé n’est donc pas superflu, histoire de voir comment nos prédécesseurs ont résisté à ces assauts.
Face aux briseurs de grève
Dans ses jeunes années, la CGT s’est heurtée à l’armée, mobilisée pour briser grèves et manifestations. Ainsi, le radical Clémenceau, le « premier flic de France » qui fascine tant notre premier ministre, est comptable du décès de seize grévistes entre 1906 et 1909. En réponse, la CGT mit sur pied un service d’ordre pour garantir la sécurité des manifestants et évacuer les « provocateurs ».
Le patronat n’hésite pas de son côté à congédier les salariés. Par exemple, l’échec de la grève du 30 novembre 1938 contre la casse des conquis du Front populaire, s’est traduit par le renvoi de 800 000 ouvriers – près de 10 % de la population ouvrière ! – et un réembauchage écartant les militants : en janvier 1939, 15 000 d’entre eux sont toujours sans emploi ! Une vaste campagne de solidarité financière et matérielle s’engagea pour limiter les dégâts.
Passons sur l’exclusion des militants communistes de la CGT et sur la répression féroce qui a visé la Résistance à l’occupant et au régime de Vichy.
Les années chaudes de la guerre froide
Dans les années cinquante, la CGT paie son engagement pacifiste. En mai 1952, une manifestation contre la venue à Paris du général américain Ridgway dégénère. Alain Le Léap, secrétaire général de la CGT, est emprisonné dix mois durant, et Benoît Frachon est contraint à la clandestinité. Les actions contre la guerre d’Indochine ou d’Algérie sont aussi émaillées de condamnations – Henri Martin et Raymonde Dien par exemple – et de victimes : sept morts le 14 juillet 1953, neuf morts le 8 février 1962. La solidarité, l’unité avec la population et les autres organisations syndicales et progressistes, en bref le rapport de forces, furent les réponses apportées par la CGT.
Résister à l’entreprise
Discriminations salariales et de carrière, sanctions disciplinaires, pressions morales, licenciements abusifs : autant de méthodes dont le patronat a usé de toute temps. Certaines entreprises sont même allées plus loin, notamment dans l’automobile, en finançant des syndicats « maison » (comme la CFT-CSL) et des milices privées. Une campagne opiniâtre de la CGT et le recours à la clandestinité ont permit de triompher de cette stratégie patronale, notamment lors du « Printemps de la dignité » chez Citroën en 1982.
Enfin, n’oublions pas les victoires judiciaires obtenues contre les discriminations syndicales avec la méthode élaborée à partir de 1995 par des militants de Peugeot Sochaux. Elle a mis un coup d’arrêt aux traditions répressives du patronat et permit de reconstituer la carrière de nombreux militants.
Face aux chausse-trapes du patronat et du gouvernement, les militants de la CGT n’ont pas toujours eu l’avantage. Mais l’histoire nous enseigne que la construction du rapport de forces, l’organisation, la solidarité et l’intelligence collective sont autant de ressources précieuses qu’il nous faut mobiliser. Sans compter.