À l’heure où la loi du profit et de la concurrence menace la culture, la Fédération des travailleurs de la métallurgie (CGT) souhaite profiter du centenaire de la naissance de deux grands peintres que sont Jean Amblard et Boris Taslitzky pour renouer le dialogue engagé avec les milieux artistiques et intellectuels. Comment aurions-nous pu continuer à nous réunir tous les mois dans une salle où est accrochée l’une des toiles de l’un de ces maîtres – Coulée des hauts fourneaux réalisée par Jean Amblard en 1950 – et ne pas célébrer l’anniversaire de «l’ami des métallurgistes » pour reprendre une expression de l’Union des métaux et celui de son ami, frère et camarade Boris Taslitzky ?

Au regard de l’importance du soutien apporté à la classe ouvrière par des artistes comme le poète Jacques Prévert – et pas uniquement en mai-juin1936 ou en mai-juin 1968 – il est rapidement apparu évident à notre Fédération qu’il fallait saisir cette opportunité pour parler de l’actualité de la rencontre entre les salariés et les artistes. Quand bien même nous constatons aujourd’hui que le lien historique s’est distendu entre les artistes et « les prolos » – que notre ami Marcel Trillat sait si bien filmer – nous remarquons également que le fil ne s’est pas brisé. Je garde en mémoire la visite de l’acteur et musicien Yvan le Bolloc’h à la Société bretonne de fonderie et de mécanique (SBFM) en avril 2009. Comme il le disait : « les syndicalistes CGT, ce ne sont pas que des gens qui sont en colère, qui font des manifs, qui font des braseros et qui balancent des œufs sur la gueule du patron ».

La décision prise par notre Fédération de rendre hommage à Jean Amblard et à Boris Taslitzky est l’occasion de redécouvrir l’histoire de la Fédération (CGT) des travailleurs de la métallurgie qui s’occupe aussi de culture. Et cela, depuis fort longtemps !

Comme l’écrivait le secrétaire de la CGT réunifié Benoit Frachon en réponse à une objection en 1937 : « pendant que [le Syndicat des Métaux parisien] était en train d’organiser toutes ces œuvres sociales [fondation de la Mutuelle centrale, mise en place d’une école d’apprentissage, organisation de cours de rééducation professionnelle pour les chômeurs, instauration de colonies de vacances pour les enfants et d’une maison de repos pour leurs parents, achat de la Maison des Métallurgistes, etc.], il a mené une bataille continue dans toutes les usines pour le respect du contrat [collectif] ; chaque jour ses militants sont descendus dans des dizaines d’entreprises pour aller régler les conflits, pour obliger les patrons au respect des conventions et pour obtenir le rajustement des salaires, quand l’augmentation du coût de la vie a justifié cette demande ».

Sans oublier la solidarité des métallurgistes avec l’Espagne républicaine, mais ceci est une autre histoire. Ce centenaire nous offre également l’opportunité de nous intéresser à une autre histoire, celle des Comités d’entreprise (CE) mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par un autre dirigeant historique de la Fédération (CGT) des travailleurs de la métallurgie Ambroise Croizat, alors ministre (communiste) du Travail. Incontestablement, le Comité d’entreprise est un outil formidable. Pour ma part, c’est grâce au CE de mon entreprise que j’ai eu la chance d’aller pour la première fois de ma vie à l’Opéra-Garnier, symbole s’il en est de la culture. Certains dirigeants d’entreprise l’ont d’ailleurs très bien compris : ils n’hésitent pas à évoquer l’existence et les activités proposées par le CE pour débaucher des cadres, notamment internationaux.

Et pourtant, le patronat – toujours à la recherche du profit maximum – rêve d’implanter des agences spécialisées dans la billetterie ou le voyage à la place des CE pour récupérer ces subventions sociales. Il nous appartient d’être particulièrement attentif pour que les CE puissent continuer leur mission en matière de culture, sans jamais oublier que plus de la moitié des salariés travaillent dans une entreprise qui n’a pas de CE ! En tant que syndicat, notre ambition est d’offrir à tous les salariés de la métallurgie la possibilité d’avoir accès à toutes les formes de la culture.

Idéalement, nous devons organiser les conditions de la rencontre entre tous ceux qui créent – les artistes comme les salariés – à l’image du débat que nous venons d’organiser autour du film les Molex, des gens debout en présence de l’équipe du film et de nos camarades de Villemur-sur-Tarn ou bien du projet engagé par l’Union fraternelle des métallurgistes avec le plasticien Alain Bublex dans ce lieu magique qu’est la Maison des Métallos. Tels sont quelques-uns des défis qui nous attendent dans la prochaine période pour continuer à construire l’avenir.