« Le syndicat, c’est la solidarité et la fraternité », proclamait Benoît Frachon, métallo et secrétaire général adjoint de la CGT, dans une conférence au cours de laquelle il précisait également : « Au milieu de ses soucis quotidiens, de tous ses tracas, le syndiqué trouve un appui dans son organisation syndicale. La solidarité ne se manifeste pas seulement quand le patron frappe un ouvrier, mais en toutes circonstances. »
Preuve en est, cette affichette récemment acquise par notre Institut, qui annonce l’organisation le samedi 26 novembre 1938 d’une grande fête du XIe arrondissement par l’Union syndicale des métallurgistes de la région parisienne. Celle-ci se déroule à la Maison des Métallos, au 94 rue d’Angoulême, dans la grande salle Henri-Barbusse, du nom de cet écrivain promoteur de la littérature prolétarienne, instigateur du mouvement pacifiste Amsterdam-Pleyel et décédé en août 1935 à Moscou.
Cette fête s’inscrit dans une longue tradition du mouvement ouvrier, dont l’objectif est de favoriser les sociabilités et la fraternité, pour agréger les nouveaux syndiqués ou les habitants du quartier en un groupe soudé par des idéaux communs. À ce titre, ces soirées sont, comme les fêtes champêtres, les compétitions sportives, les sorties culturelles ou les coopératives, de puissants vecteurs de diffusion d’une culture politique de masse.
Cette fête, qui compte une tombola et un concours de bonnets de Catherinettes (25 novembre oblige), est animée par une belle brochette d’artistes de théâtre et de radio : La Régia, une chanteuse de music-hall que l’on entend sur les ondes radio depuis 1934 ; Ederlys, un caricaturiste ; Odette Perrin, une chanteuse du folklore ; Bérias, un chansonnier en vogue ; Betty Gromer, une danseuse acrobatique ; Max Rogé, un chanteur de variétés aux multiples 78 tours ; Ramon, un chanteur du cirque Médrano et enfin Janine Fourier, pianiste. Cette fête s’achèvera tard dans la nuit, après un bal enflammé par le Jazz Red Start.
Pourtant, le contexte est marqué par la violente charge d’Edouard Daladier contre les conquêtes du Front populaire et par la publication, le 12 novembre d’un train de décrets-lois qui entend « remettre la France au travail », en démantelant notamment la loi sur les quarante heures et la semaine de cinq jours. Le congrès confédéral de la CGT, qui s’est tenu du 14 au 17 novembre 1938 à Nantes, a vu s’affronter les différentes tendances qui la compose et a tardé à réagir à cette attaque en appelant à l’organisation d’une grève générale pour le 30 novembre. Celle-ci sera un échec, marquée par une intense répression policière, judiciaire, administrative et patronale.
Comme quoi, guincher et lutter, c’est vivre, tout simplement !