Au lendemain des élections européennes, en mai dernier, l’annonce de 1 044 suppressions d’emplois chez General Electric a fait beaucoup de bruit, 5 années à peine après la vente du fleuron industriel stratégique. Il faut dire que la multinationale s’était engagée à créer 1 000 emplois supplémentaires sur 3 ans. Depuis, elle n’a tenu aucun des engagements prévus dans le protocole de 2015. En guise de dédommagement, GE s’est acquittée d’un montant de 50 millions d’euros à l’Etat. Pour rassurer les salariés, le ministre de l’Economie a annoncé en juin dernier que cette somme servirait à revitaliser l’industrie. Parce que les belles promesses n’engagent que ceux qui y croient, les salariés n’ont plus confiance ni en l’Etat, ni en GE.

Casse industrielle organisée
Outre le fait qu’aucun engagement n’ait été respecté, la stratégie financière du géant américain a même organisé le siphonnage du site de Belfort. C’est ce que révèle l’audit financier mandaté par le CSE sur l’activité des turbines à Gaz de Belfort. Malgré les zones d’ombres qui planent sur l’organisation du géant américain, les experts ont mis à jour un système de transactions à l’intérieur même du groupe. Aujourd’hui, plus le site de Belfort produit, plus il perd de l’argent. Par exemple, lorsque le site de Belfort fabrique un produit, la filiale française doit rémunérer la société propriétaire des brevets. D’après l’étude, pour 3 modèles fabriqués, « les turbines engendrent un paiement de royalties supérieur à leurs marges ». « Alors que l’entreprise était historiquement profitable, elle a vu sa performance économique basculer dans le négatif depuis 2016. Sur les dernières années, tous les fondamentaux de son succès passé ont été progressivement attaqués par le groupe » note le rapport d’expertise.

Le prix de l’absence d’une politique industrielle
Le rachat de la branche énergie d’Alstom a donc, avant tout, permis à l’américain d’éliminer un concurrent et de s’approprier les technologies et les brevets pour maximaliser les profits. L’Etat français continue pourtant de fermer les yeux. La perte de contrôle français d’une filière aussi stratégique que l’énergie est d’autant plus inquiétante dans la guerre économique menée actuellement par le président américain. La commission d’enquête parlementaire sur la cession de la branche énergie d’Alstom à GE a même conclu que l’Etat avait failli à préserver les intérêts nationaux dans ce dossier.

Un non sens économique et environnemental
Face à ces enjeux, pas facile de trouver prise pour stopper l’énorme machine. Pourtant, le travail de la CGT pour élaborer des propositions alternatives avec un plan B a permis d’ouvrir d’autres perspectives aux salariés. Le syndicat demande notamment un débat public sur la transition énergétique et sur les moyens industriels nécessaires à la France pour la mettre en pratique. Car l’avenir des turbines n’est pas mort. Le gaz reste l’énergie fossile la moins polluante, il est donc à court et moyen terme une source d’énergie incontournable dans le cadre de la transition énergétique. Il permet notamment de répondre aux intermittences de production des énergies renouvelables telles que l’éolien ou le solaire. Des experts interrogés dans le cadre du contre projet syndical ouvrent même de nouvelles pistes pour l’avenir de la filière avec le développement de l’hydrogène ou encore avec la production de gaz par méthanisation des déchets verts. Aujourd’hui, si le marché des turbines connait un creux, les études prédisent un rebond dès 2021. Mais comment y répondre quand le géant américain préfère tailler dans les effectifs plutôt que d’investir ? La bataille syndicale pour placer le débat sur la justification économique et environnementale du plan social, permet de gagner des points. Malgré la signature de l’accord cadre le 21 octobre par les syndicats CGC et Sud, le combat se poursuit pour préserver les savoir-faire et assurer non seulement un avenir au site de Belfort mais aussi l’indépendance énergétique de la France.