Ériger une société débarrassée de l’exploitation capitaliste, en gagnant les consciences de millions de salariés est un objectif ambitieux. Dès ses premiers jours d’existence, le mouvement syndical s’est donc attaché à faire connaître ses revendications, à convaincre de leurs bien-fondés, mais aussi à affronter les moyens considérables du patronat et du pouvoir. Ce combat porte un nom, celui de « bataille des idées », dont nous allons parcourir les différents supports.

L’incontournable écrit

L’écrit y occupe une place prépondérante. Tracts, placards, papillons, brochures, publications périodiques sont les premières armes mobilisées pour informer, persuader et mobiliser les salariés. Ainsi, dès le dernier quart du XIXe siècle, les fédérations de métiers publient leurs comptes-rendus de congrès et diffusent leurs périodiques aux noms évocateurs : La Fonderie, Le Denis-Papin, L’Ouvrier en voitures ou encore Le Cuivre. Après elles, la Fédération des métaux s’est dotée de nombreux titres, à la périodicité variable et aux publics multiples : L’Union des métaux (1909-1978), Le Courrier fédéral (1966-2016), Le Guide du militant métallurgiste (1933-2003) ou Liaisons Industries (1976-1991). Le progrès technique, avec le duplicateur, puis la photocopieuse et le logiciel de traitement de texte, a favorisé l’expression locale, par voie de tracts, d’affiches ou encore de journaux syndicaux d’entreprise. Notons enfin que l’expression est en langue française, mais pas uniquement. Plusieurs campagnes de syndicalisation sont ainsi réalisées en langue étrangère, tandis que Le Courrier fédéral a connu une éphémère édition allemande.

L’impact graphique

Notre identité visuelle s’est forgée progressivement. D’abord par l’appropriation de la couleur rouge, ce rouge devenu politique après la Révolution française et le massacre du Champ-de-Mars du 17 juillet 1791. Ce symbole de ralliement des opprimés, des partisans de la République sociale, est complété par un logo représentant une poignée de main devant une planète sans frontières, ceinturé par les termes « bien-être, liberté » auxquels s’ajoute plus tard celui de « solidarité ». Depuis une quarantaine d’années, ce logo met désormais en scène les visages de trois métallos. Ces éléments, reproduits sur des banderoles, des drapeaux ou encore des pin’s contribuent, dans les mobilisations, à renforcer le sentiment d’appartenance.

Les supports écrits s’enrichissent aussi peu à peu de photographies et dessins d’actualité, pour rendre le discours plus percutant. C’est ainsi que l’on croise des affiches de Félix Doumenq, du collectif Grapus ou de Wolinski, des clichés de Gérald Bloncourt ou Marcel Delius, des dessins de Flo ou Raoul Cabrol.

À la pointe de la technique

C’est un lieu commun, la CGT serait dépassée, incapable de s’approprier les innovations techniques. Pourtant, les contre-exemples ne manquent pas. Qui se souvient de la création en 1926 par des métallos de la CGTU d’une coopérative de fabrication et de vente de postes TSF pour permettre aux salariés d’écouter la radio (notamment Radio Moscou) ou que de nombreuses luttes de la décennie 1970 donnèrent naissance à des radios pirates, comme Radio Lorraine Cœur d’Acier ou Radio-Quinquin ? N’oublions pas non plus la réalisation par la Fédération du film Les Métallos en 1938 qui présentent les fruits de la lutte de mai-juin 1936, l’usage de la VHS pour la formation syndicale ou encore l’obtention en 1975 des émissions Tribune libre puis Expression directe sur les radios et télévision du service public. Plus près de nous, le minitel ou encore les répondeurs téléphoniques ont été expérimentés pour diffuser des informations.

Propagande ou communication ?

La « propagande » a longtemps fait partie du vocabulaire de notre organisation. Ce terme, initialement attachée à la diffusion de la foi chrétienne, s’est laïcisée au XVIIIe siècle pour désigner une « action mobilisant tous les moyens d’information pour propager une doctrine, créer un mouvement d’opinion et susciter une décision ». Sa disparition progressive, à partir du milieu des années 1970, au profit du terme « communication » n’est pas anodine. Ce dernier désigne pour sa part « le processus par lequel une personne ou un groupe émet un message et le transmet à un autre qui le reçoit, avec une marge d’erreurs possibles. »

Ce processus témoigne de la volonté de mobiliser les nouvelles techniques, notamment audiovisuelles, sonores puis numériques, de renouveler le discours pour élargir l’audience syndicale. Mais s’il faut bien évidemment coller à l’air du temps, utiliser les outils actuels, il ne faut pas réduire nos difficultés à un simple problème de forme ou de ton de l’information. Le fond, cette double besogne que s’est assignée le mouvement syndical de satisfaire les revendications du quotidien, tout en ambitionnant de faire éclore un nouveau monde, reste toujours au cœur de la bataille des idées.