Enthousiasme et désenchantement sont les maîtres-mots de la décennie 80. La gauche au pouvoir en mai 1981, les avancées sociales (retraite à 60 ans, 5e semaine de congés payés, hausse des salaires, extension des droits syndicaux), la nationalisation de grands groupes industriels et bancaires, le vent de liberté soufflant chez Citroën et Talbot durant le « printemps de la dignité » (1982-1984) sont rapidement refroidis par le « recentrage » de la CFDT vers un syndicalisme « réaliste » de négociation, le choix d’une politique budgétaire d’austérité, la répression policière des conflits, la « flexibilisation » du droit du travail et surtout la poursuite des restructurations liquidant des pans entiers de l’industrie.

Une fédération fragilisée

Sidérurgie, automobile, navale, machine-outil, mécanique, électronique, ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui disparaissent chaque année, fruit de la concentration accrue du capital et de la course aux profits. Les bastions métallos, où les traditions syndicales sont les plus ancrées, sont particulièrement frappés, fragilisant d’autant notre Fédération. En parallèle, le salariat accélère sa mutation, avec la montée rapide du nombre d’ingénieurs, cadres, techniciens, ainsi que des femmes.

La chute des effectifs est vertigineuse. Des 400 000 adhérents atteints après 1968, il n’en reste que la moitié au début des années 1980 et, dix ans plus tard, moins de 60 000. Cela implique de lourdes difficultés financières, aggravées par la construction du siège national à Montreuil.

Ce contexte national, mais aussi international avec le durcissement de la crise économique, l’intervention soviétique en Afghanistan ou l’état d’urgence en Pologne, génère d’importantes tensions au sein de la CGT, dont l’une des répercussions est la démission d’André Sainjon de son mandat de secrétaire général de la Fédération en 1988.

Faire du neuf ?

Les luttes, après avoir faibli, connaissent un regain, notamment grâce aux salariés de la Snecma (1988), de Peugeot Sochaux (1989), de Pechiney-Dunkerque ou encore d’Alsthom Belfort (1994) ou aux mobilisations qui imposent à l’UIMM le maintien de la prime d’ancienneté en 1990. Ce renouveau se confirme à l’hiver 1995. L’annonce simultanée d’une attaque contre la Sécurité sociale, de mesures de « productivité » à la SNCF et de nouvelles privatisations ne passe pas. Les cheminots se lancent et entraînent avec eux les autres moyens de transport, les grandes administrations et le secteur privé. Après six semaines de luttes massives, unitaires et solidaires, le gouvernement doit reculer.

La CGT s’engage, non sans débats, dans d’importantes évolutions internes, avec l’abandon dans ses statuts de la référence à l’abolition du salariat, l’arrêt des consignes de vote aux scrutins politiques, la réforme de la ventilation des cotisations entre les structures syndicales ou encore le départ de la Fédération syndicale mondiale (FSM) et l’adhésion à la Confédération européenne des syndicats (CES), puis à la Confédération syndicale internationale (CSI).

Pour demain

Les quinze dernières années se caractérise par une vaste offensive contre les conquêtes sociales. Pas une année sans une contre-réforme visant la protection sociale, les retraites, les services publics, la fonction publique, le code du travail ou encore les institutions représentatives du personnel. Pas une année aussi sans de nombreuses luttes, dont l’issue est encore trop souvent défavorable aux salariés. Dans notre branche, l’UIMM mène l’assaut contre l’ensemble de nos garanties collectives, au travers de la négociation sur le dispositif conventionnel.

Les défis sont considérables, la période difficile, mais nos prédécesseurs en a connu bien d’autres. À nous aujourd’hui de retrousser les manches, pour gagner, demain, un autre monde.