C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de Viviane Claux. Née le 26 octobre 1947 dans une famille ouvrière, elle obtient un BEC – ancêtre du BEP – en comptabilité avant de suivre une formation continue en informatique. Elle est recrutée en 1966 comme technicienne à la Sollac-Usinor Montataire dans l’Oise, en qualité d’aide-opérateur, puis de programmeur et enfin, à partir de 1986, d’analyste programmeur.
Adhérente à la CGT en 1968, elle est désignée en 1969 pour faire partie de la commission « Formation professionnelle » au sein du comité d’entreprise et ce, jusqu’en 1980. Déléguée du personnel de 1975 à 1983, puis déléguée syndicale de 1983 à 2005, elle est élue secrétaire générale du syndicat CGT-UFICT lors de sa constitution au début de l’année 1987, mandat renouvelé lors du second congrès en 1990.
Viviane a vécu avec intensité les restructurations de la sidérurgie, même si l’usine de Montataire fut moins touchée par le plan de destruction des installations d’Usinor en Lorraine et dans le Nord. Avec Claude Coallier, récemment décédé, ils formaient un duo de militants très appréciés des sidérurgistes de la Sollac Montataire, et aussi des nombreux sidérurgistes mutés à Montataire auxquels ils apportèrent, avec les militants et élus CGT de l’usine, toute la solidarité nécessaire. Viviane eut à cœur de développer dans l’entreprise un syndicalisme en direction des ingénieurs et cadres, en s’appuyant notamment sur l’arrivée des nouvelles technologies qui ont modifié les rapports au travail dans toute la sidérurgie et dans son usine en particulier.
Lors du second congrès de l’Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT de la métallurgie en décembre 1983, elle intègre la commission exécutive ainsi que le bureau, avant de rejoindre le secrétariat lors du troisième congrès en juin 1987. Elle quitte la direction de l’UFICT à l’occasion du sixième congrès, tenu en avril 1998. Viviane a été très active pour faire en sorte que l’UFICT prenne toute sa dimension dans les entreprises, notamment là où régnaient encore un syndicalisme circonscrit aux ouvriers.
Elle rejoint la commission exécutive fédérale à l’occasion du 33e congrès en mai 1990, mandat qu’elle occupe jusqu’au 37e congrès en avril 2004. Elle intègre le bureau fédéral lors du 34e congrès en juin 1993 et le quitte lors du 36e congrès en avril 2000, après avoir occupé la responsabilité de secrétaire fédérale chargée, à la suite de Jean Chambon, des questions revendicatives.
Elle a été administratrice salariée représentant la CGT au sein du groupe Usinor. Elle fut désignée en 1994 pour prendre la suite d’Alain Duteil et mena la bataille contre la dénationalisation du groupe. Elle fit entendre la voix des salariés dans ce conseil d’administration tenu alors par Francis Mer, futur ministre, qui a permis l’entrée de Mittal au capital et ainsi de préparer la prise de contrôle de l’ensemble de la sidérurgie française. En 1995, lors des élections au conseil d’administration du groupe désormais privatisé, elle était tête de liste. La CGT, qui a recueilli 44 % des voix, était la première organisation syndicale, et de loin. Longtemps seule femme au conseil d’administration – avant l’arrivée d’Anne Lauvergeon du groupe Cogema – elle porta avec énergie les positions de la CGT, seule le plus souvent à contester les décisions de vente des sociétés, les objectifs fixés par les fusions, les gains de rentabilité de 15 % ou encore les fermetures de sites.
Dans son entreprise qu’elle ne quitta jamais, refusant un détachement complet, elle subi la discrimination, en restant au même coefficient jusqu’à son départ en retraite. Cela ne l’empêcha pas de mener le combat judiciaire pour obtenir la reconnaissance de cette discrimination et d’obtenir une victoire complète. Des luttes, elle eut de nombreuses occasions d’en mener, par exemple contre le projet de sous-traitance des services informatiques par Usinor. Si les salariés ne purent empêcher la création d’une société spécifique, ils auront au moins obtenu que le nouveau statut mis en place respecte la convention collective de la métallurgie de la région parisienne et harmonise la situation des informaticiens. Une victoire dans cette catégorie jusqu’alors non-syndiquée !
Naturellement, elle continua, après avoir fait valoir ses droits à la retraite en 2005, à militer au sein de l’organisation syndicale de son usine : en restant syndiquée, en distribuant régulièrement les tracts syndicaux et en gardant le contact avec les actifs de son entreprise. Il ne se passait d’ailleurs pas une semaine sans que Viviane apparaisse à la porte de l’usine avec Claude Coallier pour une distribution de tracts.
Viviane était aussi une militante communiste dans son entreprise et elle n’hésitait pas à débattre des questions politiques, considérant que le syndicalisme n’était pas à disjoindre des idées politiques. Elle avait su le faire saisir aux travailleurs, notamment au travers de ses contacts avec les ingénieurs et les cadres qui l’a respectaient parce qu’elle était une militante qui nourrissait le débat en ayant toujours à l’esprit le respect de celles et de ceux avec qui elle échangeait.
Elle a également eu des responsabilités au parti communiste français, comme membre du conseil national, mais également comme conseillère régionale de Picardie de 2004 à 2010. Elle fut vice-présidente du conseil régional, où elle apporta sa contribution dans les débats et les décisions à prendre sur les questions économiques et industrielles régionales, en intégrant le vécu des salariés, surtout dans une période où bon nombre d’usines ont été fermées, notamment dans le bassin creillois.
Quelques années en arrière, elle témoignait sur son engagement syndical : « Cet engagement m’a énormément apporté, et d’abord la possibilité d’agir sur la société, de ne pas subir ! C’est important cette impression d’avoir rempli sa vie, de pouvoir agir sur la réalité pour qu’elle change. Je crois que c’est aussi une façon de revaloriser notre rôle de femmes, même si on rencontre parfois des difficultés. […] L’engagement syndical m’a apporté de nouvelles connaissances, de nouvelles relations, dans la CGT et au-delà, sur un plan international. Même au conseil d’administration, j’avais affaire à des personnes très diverses, des adversaires, mais on se respectait. J’y ai acquis beaucoup d’indépendance. Je préfère avoir rencontré quelques problèmes et difficulté, que d’être restée dans mon bureau, à faire seulement de l’informatique ! »
Elle nous a quittés le 3 septembre dans l’après-midi.
La Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie et l’UFICT Métallurgie présentent leurs vives condoléances à sa famille ainsi qu’à ses proches.