Avec les directives du 16 décembre 1996 et du 15 mai 2014, l’Union européenne a permis au patronat d’utiliser une main-d’œuvre pas chère, dans le cadre de la libre-circulation des personnes, des biens et des services.
Détachement, de quoi parle-t-on ?
En France, on recensait plus de 26 000 salariés détachés dans 6 500 entreprises en 2005. Dix ans plus tard, ce sont 285 000 salariés détachés qui sont déclarés par 81 500 entreprises. Le nombre de jours de détachement s’élève en moyenne à 57 jours par an, 36 jours dans l’industrie.
La loi du 10 juillet 2014 a renforcé la législation sur le travail illégal, pour lutter contre la concurrence déloyale. La mobilisation des services de l’État doit permettre de lutter contre les fraudes à l’établissement, les fraudes au travail temporaire et les fraudes au détachement intragroupe.
Chaque entreprise donneuse d’ordre doit contrôler si les formalités déclaratives ont été faites auprès de l’inspection du travail et annexées au registre du personnel.
Les sanctions administratives encourues par les donneurs d’ordres en cas de non-respect de la loi sont de 2 000 euros par semaine, avec un plafond de 10 000 euros. En 2015, la loi a augmenté le plafond à 150 000 euros, avec une sanction de 2 000 euros puis de 4 000 euros au bout d’un mois.
Ce durcissement des peines masquent toutefois mal une autre réalité, celle des réductions de postes au sein des Direccte qui sont censés veiller à la bonne application de la loi.
Il faut savoir que tous les salariés détachés doivent en principe percevoir au minimum le SMIC, soit 1 480,27 euros bruts, mais que les cotisations sociales sont payés dans le pays d’origine, ce qui constitue une concurrence déloyale et favorise le dumping social !
Les dérives ne se limitent pas au salaire et à la durée du travail, mais concernent également l’hygiène et la sécurité, le suivi médical, l’hébergement, etc. Les gains réalisés sur ces postes permettent évidemment aux entreprises qui ne respectent pas la législation de fausser la concurrence sur les coûts et les délais.
Un exemple concret
Les entreprises argumentent qu’elles utilisent des salariés détachés car elles ne trouvent pas de main d’œuvre localement ! Voici un contre-exemple :
Pôle Emploi comptabilisait 1 100 demandeurs d’emploi en Bretagne inscrits sur le code Rome soudeur au 31 décembre 2015. La moitié d’entre eux étaient en activité puisque 43 % étaient en emploi, dans le cadre de l’intérim notamment (cat. B et C) et 8% en stage ou bénéficiaires de contrats aidés (cat. D et E). Autrement dit, l’autre moitié n’a pas de travail et est en recherche d’emploi !
Il est possible et nécessaire de former ces travailleurs privés d’emplois pour qu’ils répondent aux critères d’embauches. Mais pourtant, dans la construction navale, des entreprises comme Damen, DCNS, STX France, Piriou et Kership Lorient utilisent des salariés détachés de manière outrancière, au détriment de l’emploi local et contribuent à la hausse ou au maintien du chômage.
Sur le site du Rohu à Lanester, Kership Lorient a un effectif de 187 salariés dont 40 CDI suite au plan de licenciement opéré par STX en 2015. En ce moment 85 salariés détachés sont utilisés en moyenne. C’est un chiffre important, surtout lorsque l’on sait que l’entreprise ne prévoit pas d’embauche en CDI pour l’année 2017.
Le patronat a tout intérêt à mettre en concurrence les travailleurs locaux et travailleurs détachés. Nous ne devons pas oublier que ces derniers sont tout aussi exploités ! Il est essentiel que nous portions nos revendications et que nous pesions dans le débat !