Après six mois de mobilisations protéiformes contre la loi « Travail », celle-ci a été finalement adoptée après trois recours à l’article 49-3 de la constitution et la décision rendue par le conseil constitutionnel. La parution des décrets d’application devrait s’achever avant la fin de l’année.
La bataille est-elle pour autant perdue ? En aucun cas, comme nous le rappelle ces quelques exemples.
Des précédents victorieux
Le plus récent est celui du contrat première embauche (CPE), retiré le 10 avril 2006, soit deux mois après son adoption par le Parlement. Le gouvernement de Villepin, dû reculer face à l’ampleur des mobilisations des jeunes et des travailleurs : quatre journées totalisèrent ainsi plus d’un million de personnes dans les rues, alors que les occupations des lieux d’études et les actions coup de poings ne faiblissaient pas.
Son ancêtre, le contrat d’insertion professionnelle (CIP) instauré par le gouvernement Balladur en décembre 1993 avait connu le même sort. Après un mois de mobilisation unitaire des jeunes et des travailleurs, les décrets d’application furent retirés le 30 mars 1994 et le projet abrogé en août 1994.
Quelques années plus tôt, les infirmières avaient fait reculer le gouvernement Chirac, dont la ministre de la Santé avait publié un arrêté remettant en cause la reconnaissance de leur diplôme et qualifications. Le 13 octobre 1988, soit près d’un an après l’adoption de l’arrêté, 100 000 infirmières – un quart de la profession – manifestèrent et obtinrent le retrait du texte.
Dernier exemple, les grèves de l’été 1953. Le gouvernement Laniel, fraîchement composé, impose par décrets-lois une remise en cause du statut de la fonction publique et un recul de l’âge de la retraite de tous les fonctionnaires. Amorcée chez les postiers, la grève s’étend à la fonction publique, aux transports, à l’énergie et menace de se généraliser au secteur privé. Les quatre millions de grévistes eurent raison de l’intransigeance gouvernementale : aucun décret-loi ne fut finalement adopté.
On peut également citer d’autres exemples de mesures n’ayant pu dépasser le stade de l’annonce grâce au rapport de forces : le projet de loi Fillon d’avril 2005 sur l’enseignement (en partie) ; le plan Juppé sur les retraites et la sécurité sociale de novembre 1995 (en partie) ; le projet de loi Devaquet de décembre 1986 prévoyant la privatisation des universités ou encore le projet de loi Savary d’encadrement de l’enseignement privé, retiré par le gouvernement Mauroy en juillet 1984 après une mobilisation historique de la droite, l’une des plus importantes de l’après-guerre.
On ne lâche rien !
La lutte pour le retrait de la loi « Travail » sera difficile, mais pas impossible. En nourrissant l’unité entre la jeunesse et les travailleurs, en gardant une ligne revendicative claire et sans concessions, la victoire est possible. D’autant plus que cette lutte peut s’appuyer sur la défiance à l’encontre du gouvernement, le rejet majoritaire parmi la population de la loi en dépit d’un important matraquage médiatique et le maintien du front intersyndical.
L’enjeu en vaut la peine, on lâche rien !